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Journal de la Bourse du travail occupée

numéro 4, dimanche 3 août 2008

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Le vendredi 25 juillet, à l’initiative de la CGT, une réunion s’est tenue entre, d’un côté, les délégués de l’occupation de la Bourse du travail et, de l’autre, l’intersyndicale et les associations. Le but déclaré était de « faire le bilan » du dépôt des dossiers en préfecture.

Trois « sages » étaient aussi présents [voir article page 3] à la demande de la coordination 75.

Quelques heures avant la réunion un hors-d’œuvre a été servi aux délégués sous la forme d’une « Déclaration de l’union départementale CGT de Paris » [voir texte page 2].

Pour le “bilan”, il n’a strictement consisté qu’en une seule et insistante question posée aux déléguées : « Quand partez-vous ? ».
La CGT a argué de son entière implication dans la cause des sans-papiers et de l’efficacité – à peu près la moitié des dossiers déjà déposés en préfecture – de l’
« action unitaire » intersyndicale-associations-coordination 75, pour exiger la « libération » de la Bourse.

Une fois de plus les associations, au lieu de s’en tenir à leur rôle “médiateur” (est-ce jouer un tel rôle que de s’en prendre toujours, et avec véhémence, à une seule des parties en présence ?), ont appuyé et même renchéri sur le discours CGT de libération de la Bourse. Devant le refus des délégués, elles ont, en particulier, insisté à vouloir savoir à quel chiffre de régularisations ils se seraient enfin exécutés.

Les délégués ont répondu que si la CGT leur reprochait d’« oublier » bien des choses [voir la déclaration de l’UD-CGT], celle-ci oubliait à son tour ce simple fait : que sans l’occupation de la Bourse du travail aucun dépôt groupé de leurs dossiers n’aurait jamais été fait. Fin avril, lorsque la préfecture a renvoyé la coordination 75 à la CGT, l’UD de Paris a refusé de prendre en charge les dossiers et elle a, à son tour, renvoyé la coordination 75 à la CGT nationale. De là précisément la décision d’occuper la Bourse [voir les deux premiers articles du numéro 1 du Journal de la Bourse du travail occupée]. Avoir déposé des dossiers, cela ne veut rien dire en lui-même, le dépôt des dossiers ne revient aucunement à des régularisations.

Un tel amalgame est une erreur ou un mensonge. Pour qu’ait un sens mettre à l’ordre du jour de l’occupation la discussion sur la décision de quitter la Bourse, il faut d’abord que soient obtenues des régularisations réelles (et non des APS, par exemple). D’ailleurs, avant toute réponse là-dessus, ce qu’il faut aussi c’est de poser les bonnes questions, à commencer par les suivantes. N’est-il pas vrai que les syndicats, quant à eux, quittent les lieux d’occupation à la dernière régularisation obtenue ? Pourquoi les occupants de la Bourse en devraient-ils faire autrement ?

Finalement, les délégués ont communiqué à la réunion leur décision de tenir une manifestation de la Bourse à la préfecture chaque mercredi, et un rassemblement devant la Bourse chaque vendredi, comme moyens pour mettre la pression sur la préfecture. Ils ont invité les syndicats et les associations à y prendre part aussi, selon cet esprit « unitaire » qu’ils continuent d’afficher. Leur réponse a été négative. Avec cette belle explication que « les syndicats et les associations s’opposent aux manifestations partant de la bourse du travail qui est le lieu des travailleurs ». [Voir le compte-rendu de la réunion par la CGT sur zpajol.]

 

« En réalité », conclut Sissoko, coordinateur de la coordination 75, « un constat s’impose désormais. C’est la volonté de créer un véritable rapport de force avec la préfecture et, au-delà, avec le gouvernement – un rapport de force efficace, qui aboutisse à de véritables régularisations –, c’est cela qui fait cruellement défaut à l’intersyndicale et aux associations. »

Tout ceci, pendant que les rumeurs (et les menaces plus ou moins voilées [voir aussi la déclaration de l’UD-CGT, où par deux fois l’« invitation » est faite aux délégués pour qu’ils « assument leur responsabilité »]), tout ceci, pendant que les rumeurs d’une expulsion par la contrainte vont bon train. [NB. Au 31 juillet, 609 dossiers sont déposés. D’autres le seront dans la première semaine du mois d’août, avant la rencontre prévue pour le 7 à la préfecture.]


Déclaration de l’Union départementale CGT de Paris sur l’occupation des sans-papiers de la Bourse du travail

 

Ce vendredi 25 juillet 2008 un tract intitulé « le Tournant se confirme » qui est l’édito du Journal de la Bourse occupée, annonce que la Coordination des collectifs sans-papiers 75 a déposé 597 dossiers de demandes de régularisation en Préfecture.

Ce tract oublie de préciser que ces premiers dépôts sont consécutifs à l’action du 3 juillet 2008 ayant permis, face à la Préfecture, d’avoir un front uni, syndicats, associations, collectifs de sans-papiers.

Ce tract oublie de souligner que le rassemblement du 3 juillet a été proposé par l’UD CGT de Paris, et que c’est encore la CGT-Paris qui a demandé une entrevue et l’a obtenue auprès du chef de Cabinet du Préfet.

C’est aussi la CGT, convaincue de l’efficacité de l’unité, qui a proposé de composer la délégation de syndicalistes, de militants associatifs et de militants de la Coordination des collectifs de sans-papiers 75. En accord avec les participants de la délégation nous avons soutenu le dépôt collectif des dossiers des occupants de Bourse du Travail et participé concrètement aux réunions en Préfecture du 4 et 8 juillet 2008.

Il est donc erroné de penser que l’occupation de la Bourse du Travail, siège de l’UD-CGT de Paris et d’autres syndicats, serait à l’origine de ce « Tournant ». C’est d’abord la lutte des travailleurs sans-papiers en grève dans leurs entreprises qui a permis de faire bouger les autorités de ce pays, avec déjà 8OO régularisations, mais aussi le front uni pour la régularisation des sans-papiers qui s’est présenté face à la Préfecture de Police de Paris.

C’est en agissant ensemble que nous avons pu faire bouger la Préfecture, qui, le 30 avril dernier, avait refusé les dossiers de la CSP75.

Depuis plusieurs semaines, la CGT Paris œuvre activement à cette unité. C’est par ce soutien actif, et en prenant des engagements concrets et en les mettant en œuvre, que les premiers dépôts de dossiers ont pu être réalisés.

La CGT a, depuis le début de l’occupation, exprimé son désaccord sur la forme de cette lutte, considérant que l’occupation ne pèsera pas sur la préfecture, bien au contraire. C’est pour cela que la CGT a proposé d’agir autrement pour plus d’efficacité. Au bout de deux mois et demi d’occupation de la maison des syndicats, n’y a t-il pas à s’interroger, loyalement, sur son efficacité ? Est-il normal d’occuper les locaux des syndicats qui soutiennent la régularisation des sans-papiers, et qui, depuis plusieurs mois, organisent des grèves avec les travailleurs sans-papiers dans leurs entreprises ?

Les soutiens passifs sont nombreux, ceux qui agissent concrètement beaucoup moins.

La CGT interpelle les délégués de la Coordination des collectifs de sans-papiers pour qu’ils assument leur responsabilité devant cette situation.

La CGT est prête à s’engager dans des initiatives qui pèsent vraiment.

Elle invite aussi à mesurer l’impact d’une libération de la Bourse du Travail à partir d’engagements

de lutte efficace vis-à-vis de la Préfecture de Paris.

La recherche de l’unité n’est pas un long fleuve tranquille, cela nécessite l’engagement de toutes celles et tous ceux convaincus de son efficacité. Les syndicats logés à l’annexe Varlin de la

Bourse du Travail ne peuvent fonctionner normalement du fait de l’occupation alors qu’ils soutiennent la régularisation des sans papiers. Cette situation devient un véritable problème.

La CGT est consciente de l’efficacité d’une construction unitaire, elle sait que d’autres associations, syndicats et collectifs y sont attachés.

C’est dans cet état d’esprit que la CGT invite chacun et chacune à prendre ses responsabilités.

Unis pour la régularisation des sans-papiers est notre force, sachons ensemble la préserver !

 

Paris, le vendredi 25 juillet 2008

 


 

La coordination 75 continue de se plaindre du rôle négatif joué par les associations dans les rapports entre elle et l’intersyndicale depuis le début de l’occupation de la Bourse du travail.

Nominalement “médiatrices”, ces associations ont en réalité, d’après les délégués de l’occupation, toujours pris fait et cause pour l’intersyndicale contre eux. Aussi ont-ils demandé la présence aux réunions de trois « sages », pour qu’ils puissent écouter les débats et jouer un rôle de conseillers et de soutiens.

Il s’agit de : Mireille Galano, participante à titre individuel, soutien de la coordination 75, et, tient-elle à préciser, « qui a été depuis près de trente ans militante d’une des associations aujourd’hui inféodées à la CGT » ; Françoise Riou, ex-conseillère confédérale à la CGT chargée du dossier immigration-sans-papiers au niveau national, membre du Gisti, de la LDH et du MRAP ; Jacques Gurfinkiel, secrétaire général du syndicat CGT de l’OPAC de Paris.

Ils étaient présents à la réunion du 25 juillet (réunion demandée par la CGT [voir article de première page]) pour la première fois. Le Journal de la Bourse du travail occupée leur a demandé leur témoignage.

 

UN VÉRITABLE FACE À FACE

Un peu amusés de l’appellation de « sages », ils tiennent avant tout à souligner d’avoir été « sidérés, révoltés, atterrés par le véritable face à face » de la scène.

« Non pas une table ronde, mais une table rectangulaire. Avec, d’un côté, la CGT et les associations. Et de l’autre, la coordination 75, les représentants du CSP 92, un représentant, entre autres, des Sénégalais en France, et puis nous, les trois “sages”. La séparation en deux camps était nette, palpable. C’était comme l’annonce visible de la sorte de confrontation qui allait suivre. Déjà cette scène, à elle seule, donnait l’impression de quelque chose à l’opposé d’une réunion conçue pour avancer ensemble. »

En tout, il y avait là à peu près une trentaine de personnes.
« Avoir déplacé tout ce monde – pourquoi ?... Trois quarts d’heure de circonlocutions de la CGT. Sur des questions dites prioritaires : les 35 heures, les retraites, le pouvoir d’achat, la représentativité, et, surtout surtout, les élections prud’homales... Et puis, tout et tout, sauf les sans-papiers.

« Pour aboutir finalement à quoi ? À cette seule question les concernant : “Vous partez quand ?”. Parce que, c’est évident, en restant à la Bourse les sans-papiers n’obtiennent que ce lamentable résultat d’empêcher les syndicats de travailler à toutes ces questions prioritaires et si urgentes... Où l’on remarquera au moins ceci, que, malgré la libération des troisième et quatrième étages – déjà demandée et obtenue par l’intersyndicale pour la même raison, pouvoir travailler – les bureaux y restent désespérément vides...

« Ce que surtout on a du mal à comprendre, c’est la soumission totale des associations à la ligne syndicale. Il faut noter que c’est la CGT qui a voulu la présence de certaines associations comme "médiatrices" entre l’intersyndicale et la coordination 75.

« On nous avait prévenus, mais tout de même, on ne s’y attendait pas, on n’a jamais vu ça, on n’imaginait pas une chose pareille. À cette réunion, les associations n’ont pas fait que prendre parti pour les syndicats. Non, elles sont allées au-delà, en s’exprimant violemment contre la coordination 75, contre les sans-papiers qui occupent la Bourse, avec une hargne... des tons, des expressions, jusqu’à des regards – oui, des regards ! – de haine. Et à la sortie, on nous a dit que les associations, cette fois-ci, se sont retenues, parce que nous étions là... Vraiment, là on ne comprend plus.

« Ces attaques révoltantes ont même redoublé après les propositions de Sissoko [voir article de première page]. En fait, pour tous ces gens, il n’y a qu’une seule “proposition” qui soit sérieuse, l’espèce d’ultimatum adressé aux délégués par la CGT : “Il vous faut quitter la Bourse !”. »

Françoise, encore scandalisée, fait remarquer qu’au restaurant « Le Bistrot de Breteuil », occupé par des sans-papiers en grève, les patrons aussi demandent : « Vous partez quand ? ». Mais qu’ils le demandent, au moins, tout patrons qu’ils sont, sur un ton beaucoup plus courtois.

Et Jacques, tout en ajoutant que les partis politiques ne se privent pas de faire à la ligne syndicale une même allégeance, évoque l’exemple de la LCR.

« En effet, c’est seulement à la suite d’un marchandage, après avoir obtenu de lui un communiqué désavouant l’occupation de la Bourse du travail, que Besancenot a obtenu de la CGT l’autorisation d’aller s’afficher, et saluer les occupants du chantier de la rue Xantrailles. »

 

UN RAPPEL DES SAGES : LA « SORTIE PAR LE HAUT »

À la réunion, Françoise a rappelé qu’elle-même et Jacques avaient, dès le début de l’occupation, proposé au secrétaire général de l’UD 75 une solution de « sortie par le haut », satisfaisante pour tout le monde. Ce dont il s’agissait avant tout, c’était de trouver un autre lieu d’occupation.

« Un lieu plus visible pour la coordination 75. Et puis, un lieu où leurs conditions de vie seraient plus correctes, plus décentes. Et où ils pourraient s’exprimer au grand jour. Exprimer leurs revendications

avec l’appui de la CGT : leur situation de travailleurs isolés ne leur permettant pas de s’exprimer autrement, de monter des piquets de grève, d’occuper des entreprises. Pour autant, leurs revendications ne sont pas différentes de celles de tous les autres sans-papiers grévistes.

« La CGT, malgré tous les rappels de notre part, malgré nos courriers de relance, n’a jamais jugé utile de prendre en considération nos suggestions. Elle feint de les avoir oubliées. Malheureusement, cette proposition, même si elle était reprise aujourd'hui, trois mois plus tard, il est évident qu’elle serait très difficile à mettre à exécution ; c’est que les sans-papiers de la Bourse, aujourd'hui, ne peuvent plus faire confiance à la CGT. »

Les trois « sages » dénoncent encore le caractère de faux-fuyant de l’argument selon lequel « ce n’est pas la CGT qui régularise ».

À ce propos, Françoise rappelle l’exemple de Saint-Bernard, il y a douze ans.
« À Saint-Bernard non plus, ce n’était pas l’église qui régularisait. Et même, elle avait moins de voix au chapitre qu’aujourd'hui les syndicats. Pourtant, à Saint-Bernard il y a eu le soutien officiel et

l’appui pratique de la CGT. Des genres de première nécessité, nourriture, couches, eau – et des toilettes chimiques. Alors que, aujourd'hui, ils ont tout essayé pour empêcher le plus possible...

Rappelons qu’à l’époque était secrétaire général de la CGT Louis Viannet, il était venu en personne saluer les grévistes de la faim qui occupaient l’église. »

Pour conclure, les trois « sages » nous font part de leur étonnement dû au fait qu’il y avait à la réunion aussi un représentant du PCF.

« On est très étonné de cela, d’une telle présence dans une réunion syndicale-associative. Lui aussi a demandé – et demandé avec véhémence – la cessation de l’occupation de la Bourse !... »

 


À l’occupation de cette entreprise de nettoyage (138, rue du Chemin Vert, Paris, 11ème arrondissement) par des femmes grévistes, le Journal de la Bourse du travail occupée a déjà consacré un article dans son numéro précédent.

Nous sommes revenus vers ces travailleuses en grève depuis plus de deux mois parce que, lors de l’interview précédente, leur parole a dépassé le cadre de l’organisation de la grève et des perspectives de lutte sur le terrain syndical.
Très vite elles ont tenu à mettre l’accent sur leur situation spécifique de femmes sans-papiers.

Ces femmes travaillant dans le nettoyage hôtelier ne subissent pas seulement une forte discrimination quant aux conditions de travail et au traitement salarial. Elles ont à subir en outre, sur leur lieu même de travail, des formes d’agression et d’humiliation spécifiquement sexistes,

agressions auxquelles leur situation de fait, sociale et psychologique, de femmes sans-droits leur permet difficilement de faire face. S’il s’agit bien sûr, pour elles, dans l’immédiat, d’obtenir des papiers, il faut resituer leur lutte dans une perspective plus large. Ce qui est en jeu ici, c’est en

réalité le combat de femmes qui luttent en leur nom propre.

Si ces travailleuses rejoignent la lutte commune à tous les sans-papiers (des régularisations pour un minimum de dignité humaine), c’est en prenant dans le même temps conscience que seules les femmes peuvent lutter pour les droits des femmes, et cela qu'il s’agisse des papiers ou de l’égalité des salaires. C’est donc selon une démarche qui lie de façon intrinsèque la lutte des femmes sans-papiers à la lutte de tous les sans-papiers, que ces femmes « s’y sont mises », qu'elles ont décidé d’engager la lutte. Fanta Sidibé, déléguée CGT, se fait ici la porte-parole d’une volonté collective d’émancipation féminine.

 

HARCÈLEMENT SEXUEL, IL FAUT VAINCRE LA PEUR

« Sur notre lieu de travail, en tant que femmes sans-papiers, nous sommes confrontées à des problèmes spécifiques. Nous subissons des humiliations, des agressions, dont il est difficile de parler par peur de perdre son boulot ou d’être dénoncée.

« Peut-être qu'en France la discrimination sexuelle est, généralement parlant, moins importante qu'ailleurs, mais en tant que femmes sans-papiers nous sommes très exposées.

« J’ai plusieurs collègues qui se sont plaintes de harcèlement sexuel sur leur lieu de travail. Pas directement à leur employeur, puisque c’est leur parole contre celle du client, alors que tout le monde tombe d’accord pour dire qu'un homme qui a les moyens de se payer une chambre d’hôtel ne va pas faire de propositions à une simple femme de ménage.

« Moi, j’ai encouragé mes copines à déposer plainte. Je leur ai expliqué que même en tant que femmes sans-papiers elles ont des droits, que personne n’a le droit de les harceler ou de les agresser, et de les obliger à se taire. Le fait est que ce sont des situations très difficiles, il faut beaucoup de courage pour porter plainte. J’ai vu des gens quitter leur travail plutôt que de le faire. Il y a sans doute des risques pour une sans-papiers de s’adresser à la police. Mais il faut distinguer. D’une part il y a le conflit entre les sans-papiers et l’administration française, et d’autre part celui entre la femme et son agresseur.

« Se faire humilier, agresser, et ne pas porter plainte par peur de se faire arrêter, là, je dis “non !”.

« Quasiment toutes les agressions sexuelles sont commises par des hommes sur des femmes. Il s’agit surtout de propos mal placés, les agressions physiques sont plus rares. Il y a certaines

personnes… Les mots me manquent pour les qualifier. Ce genre d’agression se confond parfois avec des agressions d’ordre raciste.

« Mais il faut ajouter que même dans le cadre du travail de nettoyage hôtelier, il y a des règles que les clients devraient respecter. Moi par exemple je ne permets pas au client de rentrer

dans sa chambre quand j’y fais le ménage. “Vous sortez : je fais la chambre. Vous ne sortez pas : je vous la laisse”. Ce sont les limites que j’ai posées. Si le client ne veut pas sortir, c’est simple, j’appelle la réception, je leur demande d’intervenir. « Mais en général les rapports avec les clients sont meilleurs que ça. Certains ne souhaitent pas bavarder. Je fais la chambre, je ferme la porte, et c’est tout. D’autres au contraire discutent avec nous, s’informent de nos conditions de travail. »

 

LE TRAVAIL DES FEMMES SANS-PAPIERS ET LES SOLIDARITÉS AUTOUR DES FAMILLES

« Pour essayer de comprendre la spécificité du travail des femmes sans-papiers, il faudrait se demander pourquoi les hommes travaillent dans le bâtiment et la sécurité, et les femmes,

mis à part le nettoyage, surtout dans les services à la personne. C’est que nous avons la patience et le courage, le savoir-faire pour faire face aux divers petits besoins des enfants et des personnes

âgées. Ces tâches, ce n’est pas facile du tout. Il faut savoir que chez nous, au pays, nous sommes habituées aux enfants et aux personnes âgées. Il n’y a pas de maisons de retraite chez nous, les personnes âgées restent dans la famille.

Ce sont les membres de la famille qui s’en occupent jusqu’à la fin de leur vie.

« Nous les africains, nous avons nos coutumes, nos mœurs. Des liens existent, qui sont très forts, qui se construisent avec et autour de la famille. Ces liens nous permettent de dépasser notre simple condition de sans-papiers. Nous sommes reconnus et respectés, en tant qu'être humains. Même si nous n’avons pas de papiers, nous avons notre importance, notre place propre.

« Déjà avant cette grève, par exemple, il existait une forme de solidarité entre femmes sans-papiers, ainsi qu'entre nous et des personnes ayant leurs papiers. Il y a des rapports sociaux qui se

construisent au-delà de la distinction avec et sans papiers. Des gens qui nous comprennent, qui nous aident à trouver un logement, des petits boulots, et qui maintenant nous aident dans

notre lutte … »

 

À PRÉSENT DES PAPIERS, DEMAIN L’ÉGALITÉ DES SALAIRES

« Il est certain que le fait d’obtenir des papiers ne réglera pas la question de la discrimination sexuelle. Ce que nous subissons sur notre lieu de travail est dû avant tout à notre condition de femmes, les clients ne savent normalement pas que nous sommes sans papiers. La discrimination sexuelle, c’est un problème bien plus large, et qui demeure. Ne voit-on pas les différences de salaires persister entre hommes et femmes, même quand on a des papiers ?

« Pour l’instant nos revendications concernent uniquement les papiers. Mais par la suite, passé ce stade de la lutte, nous comptons bien nous battre pour l’égalité des salaires et contre toute autre forme de discrimination sexuelle.

« Ici, sur le lieu de l’occupation, nous avons pu mettre en place une véritable égalité entre femmes et hommes. Il y a 7 femmes grévistes pour un seul homme. Mais parmi les soutiens il y a beaucoup d’hommes, et je peux dire qu'ici ils nous comprennent, que la solidarité qui s’est construite

est, pour moi, vraiment sans égal. »

 

VERS UNE RÉELLE PRISE DE CONSCIENCE DES FEMMES SANS-PAPIERS

« Nous ne nous en sortirons que si nous, les femmes sans-papiers, nous prenons les devants. Nous devons nous-mêmes prendre en mains cette question des papiers. Les associations, les soutiens, ils doivent rester derrière nous.

C’est à nous de nous organiser, de prendre conscience de notre situation. Il faut qu'on parvienne à se dire : “Il faut qu'on se lève. Il est temps de sortir de cette situation !”.

« Cette prise de conscience est d’autant plus nécessaire qu'il nous est difficile de nous rassembler. Les femmes sans-papiers sont le plus souvent isolées sur leur lieu de travail.

Dans le secteur du nettoyage, les entreprises font le plus souvent appel à des sociétés de sous-traitance ; celles-ci envoient leurs employés (majoritairement des femmes chez Ma Net) sur différents lieux de travail. La première nécessité est de parvenir à se réunir, à échanger des idées.

Nous pourrons ainsi envisager des solutions pour sortir de cette situation.

« La phase actuelle des luttes, ce sont certes les hommes qui l’ont commencée. Mais les hommes ne peuvent pas lutter à notre place. Nous les femmes nous devons nous lever pour affirmer notre existence en dehors du foyer.

« Nous avons notre place et notre raison d’exister au sein de la société française, car, avant tout, nous y travaillons. Derrière toutes ces chambres d’hôtels bien propres, derrière toutes ces personnes âgées et tous ces enfants bien soignés, se cachent des femmes sans-papiers qui travaillent. En face de cette situation, nous devons nous dire que trop, c’est trop. Nous devons sortir de l’ombre et y mettre une fin.

« Le fait que les femmes organisent leur propre lutte est tout à fait cohérent avec une lutte commune de tous les sans-papiers. Dans une lutte, chacun doit apporter sa part. Les hommes peuvent imaginer, mais non connaître réellement notre situation vécue. Ils peuvent parler de

nous, nous soutenir moralement, mais toujours du point de vue de leur situation à eux. Nous seules pouvons exprimer de manière adéquate, d’une part, la réalité de nos conditions de vie, et d’autre part ce qu'il faut faire pour les transformer. Il faut qu'on s’y mette ! »


Samedi 26 juillet, à l'initiative du Quotidien des Sans-Papiers, s'est tenue à Paris une première réunion autonome des collectifs de sans-papiers.

Malgré l’étendue du mouvement des luttes de ces derniers temps, l’idée d’une action commune et concertée entre les différents collectifs est encore loin de prendre du corps, un début de vie, et reste du domaine du purement abstrait. L’objectif de la réunion était donc double : d’une part, aider à dépasser les mésententes passées entre les différents collectifs, et de l’autre, poser des jalons, commencer à tracer un projet, à imaginer une perspective commune des luttes actuelles et à venir.

La réunion a rassemblé les collectifs suivants : la Coordination des collectifs sans-papiers 75 ; le Collectif sans-papiers 91, Massy ; des membres du Collectif sans-papiers Droit devant ; le Collectif sans-papiers A.I.-XIXème ; des grévistes de l’entreprise d’intérim MAN-BTP ; des grévistes de l’entreprise de nettoyage Castro.

Étaient aussi présents, en plus des membres du Quotidien : deux syndicalistes SUD et Solidaires (LCR) en soutien aux grévistes de MAN-BTP ; un syndicaliste CGT et une adhérente LDH en soutien aux grévistes de Castro ; un membre RESF Paris Nord- Ouest ; une délégation féminine de sans-papiers moldaves ; le président de SOS Casamanche (Sénégal) ; ainsi que plusieurs soutiens à titre individuel.

 

De ce fait, la réunion (entre quarante et cinquante participants au long des débats) s’est trouvée élargie aux associations, syndicats et soutiens. Eux aussi ont eu droit de parole, après les interventions des collectifs et situations de lutte.

 

SENS DE L’INITIATIVE

Les débats ont été ouverts par une présentation de l’initiative de la part du Quotidien des Sans-Papiers. Celle-ci s’inscrit dans le projet originaire du Quotidien, qui est, entre autres, depuis il y a bientôt un an, de donner une voix aux « sans-voix », la parole aux luttes des sans-papiers dont on feint, quelle qu'en soit la forme d’expression, de ne pas entendre la voix.

Dans le droit fil d’un tel projet, le Quotidien fait paraître aussi, depuis quelque temps, une publication autonome : Le Journal de la Bourse du travail occupée, dont le but est justement de faire entendre la voix des occupants de la Bourse, une voix qui risquait d’être noyée sous l’épais, multiforme silence ambiant.

Jusque-là, cette publication semble avoir fait mouche. Dans le droit fil d’un tel projet, le Quotidien a organisé (par son équipe de la Télé des sans-papiers) à la Bourse du travail occupée, le 28 juin dernier, un grand « Débat sur matelas » ayant pour thème « les enjeux et les perspectives des luttes actuelles » des sans-papiers, débat qui a vu la grande salle de la Bourse archicomble, ranimée par une assistance de quelque cinq cents personnes. Dans le droit fil d’un tel projet, rien de plus naturel, pour le Quotidien, de lancer l’idée d’une réunion commune et autonome des collectifs de sans-papiers. Non seulement une voix publique fait souvent défaut à ces collectifs, mais encore et surtout ils manquent d’une voix  commune.

À l’approche du douzième anniversaire de Saint-Bernard, et dans la phase actuelle des luttes, qui, à côté de la grande énergie déployée, voient de bien maigres résultats, une telle réunion publique – conçue dans l’esprit de franchir le cap de l’éparpillement des forces – semblait donc pardessus tout souhaitable.

 

LA LUTTE DOIT ÊTRE COMMUNE, CAR ELLE L’EST AU-DELÀ DES DIFFÉRENCES D’APPROCHE

La parole est donc passée aux collectifs et aux sans-papiers engagés dans le mouvement des grèves. En peu de mots, l’essentiel des deux bonnes heures de débats qui ont suivi peut être résumé de la sorte.

Au-delà des différences des situations de lutte, et donc d’analyse des conditions du mouvement, les présents sont tombés d’accord pour dire que la tâche de construire ensemble un mouvement d’envergure nationale est urgente, une nécessité qui s’impose, puisqu'elle est dans les faits mêmes.
Sans une telle entente, de parole et d’action, le mouvement restera faible, il sera à la traîne d’autres intérêts, particuliers ou étrangers au mouvement. Et si, de l’avis de tous, les modalités restent à définir, ce sera néanmoins à cette pierre de touche qu'on fera l’épreuve des propos affichés et des bonnes intentions déclarées, qui ne peuvent pas tenir lieu de gestes réels.

Le ton de la discussion a été donné par différentes interventions de la Coordination 75. En voici une, où l’expérience de l’occupation de la Bourse du travail se mêle à une réflexion plus large. [Nous utilisons nos notes, où un effort d’interprétation ou de résumé peut être déjà présent, et non l’enregistrement du débat.]

« La Bourse est le lieu des travailleurs, c’est donc un lieu pour nous. On a appelé à rallier l’occupation, mais avant, on est allés soutenir tous les piquets de grève. Toutes les régularisations sont importantes pour nous. On a la possibilité de pousser le gouvernement à régulariser tous les travailleurs... Le but de l’occupation : donner de la visibilité à la lutte. La Bourse du travail doit être le lieu du rassemblement. Pour l’instant, on coordonne au niveau de l’Île de France, je souhaite voir ça au niveau

national. Tout le monde, syndicats, soutiens, collectifs, associations, est utile. »

La discussion a ensuite porté tout particulièrement sur l’autonomie du mouvement et le rôle des soutiens.

Là-dessus surtout, les avis ont été partagés, reflet de la différence des expériences.

 

L’AUTONOMIE ET LE RÔLE DES SOUTIENS

D’une manière générale, l’on peut dire que les délégués de la coordination 75 ont acquis une conscience aiguë de la spécificité du discours syndical, et de l’assujettissement des associations à ce discours, du fait du différend qui les oppose aux syndicats depuis l’occupation de la Bourse du travail. Il est normal, par contre, que la situation particulière des grévistes, dont l’action dépend si strictement d’une forme d’engagement syndical dans la lutte, apprécient différemment le discours du syndicat et des associations qui viennent le soutenir.

Ce sera là un bon terrain d’épreuve pour l’entente et l’action commune à venir. Car il est évident que, sans des efforts de pensée communs et réciproques, tendant à dépasser sa propre expérience immédiate, ce terrain-là restera une condition très concrète d’incompréhension et donc de division entre les collectifs.

Une conscience très nette sur la nécessité d’une autonomie d’ensemble du mouvement a été exprimée par plusieurs membres de la coordination 75. Ce n’est pas ici le lieu pour rapporter l’ensemble de leurs interventions, nous n'en choisissons qu'une.

« Aujourd'hui, nous sommes dans une nouvelle phase, il y a longtemps qu'on n’a pas vu une lutte comme celle d'aujourd'hui.

La lutte d'avant et la lutte d'aujourd'hui sont différentes. Maintenant, il faut qu'on s'arrête et qu'on réfléchisse. Les sans-papiers sont en première ligne, les sans-papiers sont les premières victimes. Les soutiens et les associations ne doivent pas nous dépasser, c'est notre lutte. C'est nous qui connaissons nos difficultés et notre situation.

« Les sans-papiers doivent comprendre que la lutte des sans-papiers est la leur. »

À ces mots ont fait écho les mots du représentant du collectif de Massy et ceux, « à titre personnel », d’un membre du collectif de Droits devant.

« Les grèves entreprise par entreprise génèrent des divisions. Nous luttons pour une même cause, la régularisation de tous les sans-papiers, travailleurs ou non. Dans le cas d’une grève qui amène un certain nombre de régularisations, il y en a qui restent sur le carreau, qui souffriront.

Il faut un mouvement plus global, où aucun sans-papier ne soit laissé de côté. Nous luttons pour une seule et unique cause, il faut un mouvement qui n’oublie pas les jeunes majeurs, les malades... Apprenons à réfléchir et à penser par nous mêmes. C’est nous qui sommes les principaux concernés. »
« Aujourd'hui, la Bourse est le plus grand mouvement, il faut le rejoindre.

Les piquets de grève sont très bien, mais ce n’est pas suffisant, il faut les soutenir, mais il faut aussi aller plus loin. Il faut soutenir toutes les manifestations. Et il faut partir de la Bourse, car c'est là où il y a le plus de monde. Et il faut dès maintenant préparer la rentrée... il ne faut pas qu'on "les" laisse occuper le terrain. »

 

Les interventions des grévistes sont, naturellement, sur un ton plus prudent.
Un délégué de M
AN BTP : « On est en grève depuis le 3 juillet, on était 120, on est maintenant 88, certains ont abandonné en cours de route.... Si on applique les critères proposés, il n’y aura qu’une dizaine de personnes régularisées. Les syndicats voient s’il faut déclencher le maximum de grèves pour modifier le rapport de force, ou bien tenter de faire pression pour que les boîtes fassent des promesses de CDI, mais je ne crois pas que ce soit une solution. »

Et un soutien : « La lutte est gérée par les travailleurs, les soutiens sont en deuxième ligne. On ne lâchera pas tant qu’on n’aura pas les 88 régularisations.

« Mais on s’inscrit dans une lutte globale de régularisation des sans-papiers. Là, il s’agit d’ouvrir une brèche sur l’intérim, obtenir une jurisprudence... Il y a différentes formes de lutte correspondant à des situations concrètes. »

(Pourtant le délégué de MAN BTP précisera plus tard : « Pour que nous puissions organiser le combat, il faut l’unité, au niveau des collectifs, mais aussi des syndicats. Les sans-papiers sont aussi victimes des divisions syndicales. »)

L’adhérent à RESF aussi intervient « à titre personnel ».

« Je ne suis pas pour les "sans-papiers devant", mais c’est ensemble, avec les soutiens. Les grèves ne suffisent pas... Il y a une lassitude, une usure, parfois des mésententes, mais il faut aller au delà, non pas créer une structure unitaire, mais un réseau de différents collectifs. Il faut éviter les divisions. Ils attendent que la situation pourrisse. Il faut vraiment savoir compter sur les soutiens... »

Et le syndicaliste de SUD soutient surtout une vision unitaire.

« Sud Rail, CGT, je m’en fous, trouvons une solution ensemble ! Mobilisons l’opinion

publique ! ».

La seule voix vraiment discordante par rapport à la lutte menée par la coordination 75 a été celle du syndicaliste CGT présent.

« Ce qui me fait rebondir c’est ce : “C’est notre lutte”. Ça me choque. Depuis le mois de février, je suis dans toutes les luttes des sans-papiers. À Massy, la CGT était impliquée. Il n’y a pas un seul jour sur le site de Castro où on ne voit un isolé... À la Bourse, les isolés... est-ce que la grève c’est à la Bourse ou c’est dans les entreprises ?... »

 

OUVRIR TOUTES LES BOURSES DU TRAVAIL DE FRANCE AUX SANS-PAPIERS !

C’est un soutien de longue date, un « provincial », comme il aime se définir, qui essaiera le premier de faire la synthèse des débats.

« Le mouvement des sans papiers s’est toujours manifesté de façon spectaculaire (occupations, actions...). Il est maintenant en train de se structurer en tant que force sociale, et, je l’espère, politique... Il ne s’agit pas de convergence de luttes, il s’agit de la même bataille... Il ne s'agit pas d’avoir le même type d’action, mais de tendre vers le même but avec les mêmes revendications.

« L’erreur centrale serait de passe uniquement par l’entreprise. Les collectifs peuvent taper sur les points faibles de l’État, en jonction avec les grèves... Et c’est toute l’économie française que l’on peut bloquer par une grève des sans-papiers... Unis, ils disposent d’une force énorme. Tous les collectifs doivent se fédérer, nationalement, et de manière autonome. »

Une synthèse d’apparence plus modérée, mais qui avance dans le même temps une idée originale et de portée certainement nationale, c’est Sissoko, coordinateur de la CSP 75, qui la fait.

« La Bourse n’est pas en grève, on est en occupation. C’est à tout le monde, même aux Français, de se mettre en grève... Il faut que les syndicats ouvrent toutes les Bourses du travail de France à tous les sans-papiers. Même chose pour les partis politiques... Je ne suis pas pour les “sans-papiers devant”... Devant, mais ensemble. Avec les soutiens. Les soutiens doivent être avec nous. Les grèves ne suffisent pas. Si vraiment les syndicats, les partis politiques nous soutiennent, ils doivent nous ouvrir leurs portes, ouvrir des locaux pour les sans-papiers.

« Nous avons proposé comment agir. Tous les mercredis, devant la préfecture.

« Pour la régularisation de tous les sans-papiers ! »

 

L’IMPORTANCE DES FEMMES DANS LA LUTTE

Enfin, la parole est à une femme, un « soutien ». Son intervention porte sur la place des femmes sans-papiers dans le mouvement. Et apporte, en conclusion, une note nouvelle. Et une bouffée d’air frais.

« Cette invitation, qui a été lancée pour rapprocher les collectifs, pour agir dans un sens commun... finalement, pas une seule femme déléguée n’était présente.

« Sachant l’importance que les femmes sans-papiers ont sur la vie quotidienne de milliers de Français, pourquoi ne sont-elles pas plus visibles dans la lutte ?... Si ces femmes s’arrêtaient de travailler... Ce sont elles qui s’occupent des enfants, des personnes âgées, des handicapés, ce sont elles qui permettent à des milliers de français d’aller travailler... Je ne comprends pas pourquoi les collectifs n’ont pas saisi l’importance qu'elles ont dans la lutte. Ça toucherait beaucoup plus que des communiqués... À la prochaine réunion, il faut qu'il y ait aussi des femmes, qu'elles soient aussi nombreuses que les hommes. « Comment les sans-papiers peuvent-ils demander des droits quand eux n’accordent pas aux femmes le droit d’être présentes massivement aux réunions ?... Ainsi, les femmes sont doublement gardées dans l’ombre, sur leur travail et au sein de ce mouvement même. »

 

DÉCISION

La décision a été prise de se réunir à nouveau le samedi 2 août.

Un appel de tous les collectifs et sites de grèves présents sera lancé.

Il s’agira de préparer une manifestation commune pour le douzième anniversaire de l’occupation de l’église Saint-Bernard par des sans-papiers grévistes de la faim.

Il s’agira, en outre, avec encore plus d’acteurs du mouvement des sans-papiers, de poursuivre le débat entre collectifs sur les perspectives de leur mouvement.

 



Mercredi 30 juillet, à 10 h, s’est tenue la première marche « autorisée » des sans-papiers de la Bourse du travail vers la préfecture. (Une marche « sauvage » avait déjà eu lieu le 3 juillet [voir Le Journal de la Bourse du travail occupée, numéro 2].)

Ce rendez-vous du mercredi matin sera désormais hebdomadaire, ainsi qu'un rassemblement, tous les vendredi à 14 h, devant la Bourse même, 85 rue Charlot (métro République).

Après trois mois d’occupation – trois mois pendant lesquels tout aura été fait pour ériger un mur de silence autour de cette occupation historique – il est temps que les travailleurs sans-papiers isolés de la Bourse du travail sortent eux-mêmes de ce mur, qu'ils fassent entendre bruyamment leurs voix même aux oreilles qui ne veulent pas entendre.

La marche du 30 juillet a réuni, dans ses différents moments, de 300 à 500 personnes.

Outre les occupants de la Bourse, étaient présents des membres d’autres collectifs et d’autres sites de lutte, comme les grévistes de MAN BTP et de l’entreprise de nettoyage Castro, et plusieurs soutiens.

Elle a sillonné les rues de la capitale suivant ce parcours : place de la République, rue du Temple, de Turbigo, Beaubourg, du Renard, avenue Victoria, en stationnant pour des sit-in à chaque carrefour. Arrivée sur les quais de la Seine, elle a été arrêtée par un important déploiement de paniers à salade de la gendarmerie. Il n’a pas été possible d’aller plus loin, de continuer jusqu’à l’Île de la Cité et la préfecture, but visé, juste en face de nous.

Après une bonne heure de sit-in, d’abord devant le Pont au Change, puis sur la place du Châtelet, les manifestants ont rebroussé chemin, tout aussi bruyants et déterminés qu'à l’aller. Cette fois, c’est par le boulevard de Strasbourg, en bloquant toute circulation, et en traversant de nouveau la place de la République, que la marche s’est enfin terminée au point de départ, devant la Bourse du travail.

Pour faire entendre de nouveau nos voix – la voix des travailleurs sans-papiers, la voix de toutes les personnes sans-papiers – dans les rues de la capitale, soyons nombreux aux prochaines marches et aux prochains rassemblements !