Fin de l'occupation... Nous sommes maintenant au 14 rue Baudelique dans le 18eme à Paris.
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Occupation de la Bourse du travail

Coordination 75 des sans-papiers (CSP75)

Tous les mercredi et vendredi, une manifestation au départ de la Bourse du travail en direction de la Préfecture de Police est organisée.

Venez soutenir les travailleurs sans-papiers isolés de la Bourse du travail !

Numéro 3
Numéro 3 - « L'heure est aussi aux collectifs de femmes sans-papiers » PDF Imprimer Envoyer
Index de l'article
Numéro 3
Le tournant se confirme
MAN BTP, une interview interrompue
Tract de l'occupation de MAN BTP
Ma Net : elles occupent depuis deux mois. Et elles tiennent bon.
« L'heure est aussi aux collectifs de femmes sans-papiers »
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Les femmes sont moins nombreuses que les hommes à l’occupation de la Bourse, et aucune n’est déléguée. Déjà dans son premier numéro, Le Journal de la Bourse du travail occupée avait donné la parole à quelques-unes d’entre elles. Maintenant, c’est au tour de Fatma de s’exprimer sur la condition des femmes sans-papiers, sur son propre engagement, sur sa conception de la lutte présente et à venir.

« Ce que je voulais dire d’abord c’est que les femmes sans-papiers, du fait de cette seule condition, ne peuvent pas dénoncer les abus corporels qu’elles subissent. Si elles avaient des papiers en règle, elles pourraient le faire. Mais dans ces conditions-là, elles ne peuvent pas, et ça c’est terrible. Nous ne sommes pas protégées, ni par la loi ni par les gens de loi. Les autres, l’entourage des femmes, savent qu’elles ne sont pas protégées, qu’elles n’ont pas de droits. D’abord sur le lieu de travail, ensuite chez elles. Dans les ménages, avec ou sans papiers, on peut toujours avoir des conflits avec son conjoint, on peut traverser des moments difficiles, être maltraitées. Si l’on est sans papiers, on subit, on reste chez nous. On est obligée de tout garder pour soi. Même s’il n’y a pas de problèmes, on garde à l’esprit que, quoi qu’il arrive, on devra tout garder pour soi. Et ce n’est pas pour une année ou deux, c’est pour des années et des années.
Tout ça, ça va influer aussi sur l’éducation des enfants, parce que ce sont les mères qui éduquent les enfants. Ça agit sur la personnalité même. Depuis cinq ans que je suis en France, je ne me sens plus moi-même. Tout patron, qu’il soit homme ou femme, sait qu’il emploie un sans-papiers, et il peut en profiter. Par exemple, un patron qui emploie une femme pour garder ses enfants, faire le ménage ou être vendeuse dans une boulangerie, si certaines idées lui viennent, il a les moyens de les mettre en pratique. Toutes formes de maltraitances, que ce soit sous forme verbale, sur le montant du salaire, ou bien encore...
Le fait est que les patrons, eux, sont protégés par la loi. Évidemment, les femmes qui ont une famille cumulent le travail salarié et les tâches domestiques, elles n’ont bien sûr pas les moyens de faire travailler quelqu’un d’autre à la maison. Et elles doivent toujours penser à mettre de l’argent de côté parce qu’elles savent qu’elles peuvent se faire expulser du jour au lendemain. On n’est pas en sécurité, et ça, c’est une chose qu’on sent toujours. On n’est pas comme tout le monde. Les autres, même s’il n’y a plus rien à la fin du mois, c’est pas grave, ils savent qu’ils vont être payés le mois prochain.
Nous, on ne sait pas ce qu’il va se passer le mois prochain. En général les salaires des femmes sans-papiers sont beaucoup plus bas que ceux des hommes sans-papiers, lesquels sont déjà de toute façon inférieurs au Smic. Mais on est bien obligés d’accepter et de remercier en plus le patron de bien vouloir de nous. Parfois je me demande pourquoi ils nous embauchent, si nous ne sommes pas les bienvenus en France. »

 

LES SANS PAPIERS ?... C’EST UNE POLITIQUE

« C’est toute une politique, oui. Ils permettent aux sans-papiers de s’installer ici, ils les gardent pour toujours en avoir assez, assez de main d’œuvre. Ainsi ils sont tranquilles, ils nous exploitent comme ils veulent. C’est le système de l’offre et de la demande. Seulement, ici ce n’est pas aux marchandises qu’il s’applique, il s’applique aux êtres humains. L’autre jour, j’ai parlé avec une assistante sociale, elle m’a dit que sa crainte, à elle et à ses collègues, c’est de recevoir sous peu des ordres leur demandant de donner les adresses des familles sans papiers.
Avant, lorsqu’elles recevaient des femmes subissant des maltraitances, elles pouvaient dénoncer ces actes à la police, elles essayaient de convaincre ces femmes de se tourner vers la police. À présent, elles ne se permettent plus de le faire. Si les femmes maltraitées se rendent à la police, elles risquent, par les temps qui courent, d’être arrêtées, expulsées.
Ainsi, les assistantes sociales ne peuvent plus faire correctement leur travail qui est d’aider les gens. Et nous, nous vivons ici comme des animaux, sans aucun droit. C’est la loi du plus fort, le plus fort attaque le moins fort, c’est comme ça. Même si l’on ne peut pas faire une loi pour régulariser tout le monde, ce n’est pas là la question.
C’est qu’en France, aujourd’hui, toutes les portes sont fermées. Je suis en France depuis cinq ans, j’ai une famille ici, mes enfants sont français, je parle très bien le français, vous le voyez, je parle même l’anglais. Je ne sais pas pourquoi je suis toujours sans papiers, alors que je remplis même les critères de l’immigration choisie de monsieur Nicolas Sarkozy, je suis diplômée, j’ai été inscrite deux ans à l’université en France.
À la préfecture on m’a dit : “Ah oui, on a entendu parler de ça, mais on ne sait pas comment l’appliquer.” Là, je ne comprends plus rien. Moi, personnellement, je ne reproche rien à la CGT, j’ai des reproches à faire à l’État français. J’ai entendu le président de la République dire que quelqu’un qui a un boulot, un appartement, qui sait parler français, il n’y a aucune raison qu’il n’ait pas ses papiers. Or, la plupart des sans-papiers remplissent ces conditions et ne sont pas régularisés.
Si nos droits étaient reconnus, nous n’aurions pas besoin d’organiser des pressions contre l’État. J’ai préparé des dossiers de gens de l’occupation et je peux vous dire que les trois-quarts du travail de la préfecture c’est nous qui l’avons fait. Que demandent-ils de plus ? Nous faisons plus que les fonctionnaires de la préfecture ne font. »

 

LES SANS-PAPIÈRES ?... DES COLLECTIFS DE FEMMES POUR MENER LEUR LUTTE !

« Personnellement, si j’obtiens des papiers à la suite de cette occupation, je continuerai à lutter dans des collectifs de sans-papiers. J’ai même mon idée : fonder un collectif toute seule. Si la préfecture nous oblige à nous organiser, bon d’accord, on va s’organiser. On va montrer à tout le monde qu’on n’est pas des gens qui ne savent pas quoi faire. Tout notre travail, toutes nos capacités, c’est toute la France qui devrait en profiter, mais eux ne veulent pas.
Dans certains cas, il est important que les femmes sans-papiers s’organisent par elles-mêmes. Ça dépend du contexte. S’agissant de femmes qui travaillent dans un domaine bien spécifique (garde d’enfants, assistance aux personnes âgées...), ou bien de femmes battues, alors pourquoi ne pas créer des collectifs de femmes ? Si par contre elles travaillent dans les mêmes conditions que les hommes, alors ce sera bien de partager la lutte.
Les femmes sont tout à fait capables de mener leur lutte toutes seules. Elles ne sont pas moins intelligentes, elles n’ont pas moins de force. Et puis, une lutte produit toujours quelque part des effets positifs. »

 

LES SOUTIENS... ET LA SOLIDARITÉ DE BASE ENTRE LES COLLECTIFS

« Depuis le début de l’occupation, j’observe que les soutiens sont surtout des particuliers, pas des associations. Mais les soutiens, même particuliers, nous aident beaucoup. La plupart sont français. Nous les étrangers, quand on voit que nous sommes soutenus par des Français, on se dit que le peuple français n’est pas contre nous. Ce sont souvent des intellectuels, soit des étudiants, soit des fonctionnaires... Ils ont leur point de vue, ils prennent position. Mais même lorsqu’ils font partie d’une association, ils disent venir à titre personnel. C’est comme si les associations avaient peur de nous approcher.
Pourquoi ? Ce serait pour ne pas entrer en conflit avec la CGT ? Le rassemblement crée la force. Mais comment les collectifs doivent-ils, peuvent-ils se rassembler ? La coordination 75 est déjà un rassemblement de plusieurs collectifs parisiens, mais, pour les collectifs de province, rien que le déplacement pose problème. Nous les sans-papiers, on a toujours peur de se déplacer.
Quoi qu’il en soit, je pense que dans la lutte nous avons tous, au fond, la même ligne, parce que les objectifs sont les mêmes, et aussi les moyens sont pratiquement les mêmes : des occupations, des grèves de la faim, des manifestations... Que nous, nous luttions ici, et que d’autres luttent ailleurs, je pense que c’est bien. Il y a une solidarité de base entre les collectifs. Quand nous apprenons que d’autres collectifs ont obtenu des régularisations, ça nous donne de la force.
Nous ne devrions plus jamais accepter, nous les sans-papiers, d’être maltraités, ni par les employeurs ni par l’État. On doit apprendre à toujours se manifester au moment même, sans attendre. Par exemple, sur son lieu de travail même, une femme maltraitée doit pouvoir dire à voix haute : “Non !”. Tous les moyens classiques, y compris les médias (parce qu’on doit faire entendre notre voix), sont bons. On doit pouvoir parler partout, et surtout les intellectuels. Sur internet, dans la presse... Il est vrai que la presse ne veut pas (ou ne peut pas?) parler de nous.
Mais nous devons trouver un moyen de faire passer notre message. Et, si nous le trouvons, ce sera notre moyen de lutte le plus efficace. Parce que ça, c’est ça qui dérange. »

 

 

 

 

 

 

 



 
 
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