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Occupation de la Bourse du travail

Coordination 75 des sans-papiers (CSP75)

Tous les mercredi et vendredi, une manifestation au départ de la Bourse du travail en direction de la Préfecture de Police est organisée.

Venez soutenir les travailleurs sans-papiers isolés de la Bourse du travail !

Numéro 3
Numéro 3 - Ma Net : elles occupent depuis deux mois. Et elles tiennent bon. PDF Imprimer Envoyer
Index de l'article
Numéro 3
Le tournant se confirme
MAN BTP, une interview interrompue
Tract de l'occupation de MAN BTP
Ma Net : elles occupent depuis deux mois. Et elles tiennent bon.
« L'heure est aussi aux collectifs de femmes sans-papiers »
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Ce numéro 3 du Journal de la Bourse du travail occupée devait consister essentiellement en reportages consacrés aux grèves des travailleurs sans-papiers. Ceci, dans l’intention, à la fois, de donner la voix à ce mouvement grandissant, mais dont peu de monde, après la surprise du début, parle, et de fournir des éléments d’un premier bilan pour aider à en saisir les potentialités unitaires d’ensemble. Mais, pour différentes raisons, on est encore loin d’avoir rempli ce double but qu’on s’était proposé. Entre-temps, le Journal doit sortir, ne serait-ce que pour faire le point et informer sur les événements importants concernant l’occupation de la Bourse. C’est le cas pour le dépôt, mardi 15 juillet, de 250 dossiers à la préfecture, et aussi pour les perspectives d’élargissement de la lutte que ce fait ouvre : voir l’article de première page et l’appel de Sissoko (coordinateur de la CSP 75) aux autres sans-papiers de rejoindre l’occupation. Aussi, nous renvoyons à de prochains numéros les reportages prévus et l’éventuel bilan qu’on pourra en tirer. Toutefois, dans le dessein ci-dessus exposé, deux reportages ont été déjà réalisés, chez MAN BTP [voir l’article précédent] et chez MA NET. Pour cette deuxième grève, s’agissant en particulier de femmes sans-papiers, elle s’inscrit également dans un autre cadre abordé par le Journal dès son premier numéro (donner la parole aussi aux femmes sans-papiers, pour qu’elles exposent et réfléchissent ensemble sur la spécificité de leur condition), et abordé par ailleurs dans ce même numéro : voir l’interview qui suit et dont le titre est, à lui seul, tout un programme – « L’heure est aussi aux collectifs de femmes sans-papiers ».

 

Sur l’occupation de MA NET, entreprise de nettoyage du onzième arrondissement de Paris (138 rue du Chemin Vert, métro Père Lachaise), Le Quotidien des Sans-Papiers a récemment publié un reportage [voir numéro 25 du 10 juin]. Nous ne revenons donc pas sur ce qui a été déjà rapporté, sur les histoires de vie, sur les scandaleuses conditions de vie et de travail contre lesquelles se sont révoltés ces sept femmes et un homme sans papiers qui luttent pour leur régularisation. Citons de nouveau seulement ces mots de Fanta Sidibé, qui décrivent on ne peut mieux ce que signifie être travailleur ou travailleuse sans-papiers aujourd’hui en France et en Europe, et qui sont d’ailleurs recoupés parfaitement par tous les témoignages rapportés dans le numéro cité du Quotidien : « Je travaille dix heures par jour [alors qu’elle n’est payée que la moitié, et encore]. À chaque fois que je fais une réclamation, on me rappelle ma situation de sans-papiers. Je réponds que ce n’est pas les papiers qui travaillent, c’est moi... On veut des papiers pour vivre une vie normale... On est traités de racailles, de vipères, c’est faux. On est là pour travailler et gagner notre vie honnêtement. »

Ces mots dénoncent d’une manière incisive le genre d’exploitation du travail qu’autorise la condition de sans-papiers dans laquelle sont tenus tous ces gens, soient-ils hommes ou femmes, mais les femmes encore plus que les hommes. Cela est vrai pour n’importe quelle branche, quel secteur où travaillent des sans-papiers, et, parce qu’elle est générale, convient ici aussi cette conclusion déjà tirée dans l’article consacré aux grévistes de MAN BTP. Avec un seul changement : à la place d’« ouvriers du bâtiment » nous écrivons « travailleuses du nettoyage ». « Il est évident que pour toutes ces travailleuses du nettoyage, des papiers en règle signifieraient aussi de meilleures conditions de travail et de salaire. On voit donc par là qu’en épousant cette lutte des travailleurs immigrés sans-papiers, isolés ou non, les syndicats ne sont pas en dehors de leur terrain spécifique et bien traditionnel de défense des conditions de vie (de travail et de salaire) des travailleurs qui demandent de s’organiser. Pour le syndicalisme français aussi, cela peut être une chance à ne pas manquer. »

 

LA GRÈVE DÉBUTE

En effet, la grève des travailleuses de Ma Net a commencé, non seulement grâce à l’appui du syndicat, mais, à proprement parler, sur le terrain spécifique du bouche à oreille syndical. C’est Kani, qui est là avec les grévistes mais demeure en retrait parce qu’elle ne travaille pas chez Ma Net, c’est elle qui est à l’origine de la grève, tiennent à souligner toutes les autres, assises autour de nous pour l’interview. Cette jeune et vivante française d’origine africaine, ayant vu ce qui se passait « Chez Papa », étant elle-même syndiquée à la CGT, a poussé son amie Mariam vers ce syndicat et à parler de la grève à ses camarades de travail. Avec l’appui de la CGT et après s’être syndiquées, trois femmes (Mariam, Mariam Marie, et Hawa) ont donc organisé un piquet de grève le 23 mai, occupant les locaux de Ma Net le matin, à 10 heures 45, précisent-elles. Les trois premiers jours, elles les ont passés à appeler leurs collègues, à essayer de les convaincre à s’unir à la grève. Sur les 130 employés, cinq autres seulement ont répondu à l’appel, quatre femmes et un homme (Fanta Sidibé, Fanta Kané, Miracia, Sali, Soumaré), tous africains sauf une haïtienne. Le 26 au soir, la CGT a bloqué la liste des grévistes, six dossiers ont tout de suite été déposés à la préfecture, et deux autres, plus difficiles, par la suite. La conversation tourne vite autour des conditions de vie et de travail de ces femmes sans-papiers.
« Spécifiquement pour ce qui concerne les femmes – nous dit Fanta Sidibé, déléguée syndicale CGT de MA NET –, je veux dire qu’être sans-papiers c’est une condition difficile pour tout le monde, mais qu’être femme sans-papiers c’est bien plus dur. Non seulement il y a envers nous la discrimination sexuelle qui pèse sur toutes les femmes, mais, du fait que cette discrimination s’exerce contre des femmes sans-papiers, nous sommes contraintes de subir sans rien dire des humiliations et des agressions continuelles. Nous travaillons dans des hôtels, alors vous pensez bien que parmi les clients il y en a, certes, qui sont gentils, mais il y en a aussi beaucoup qui nous demandent n’importe quoi. C’est une humiliation de tous les jours, à laquelle il est difficile de s’opposer d’une manière appropriée, car sinon nous risquons de perdre notre travail, ou, encore pire, d’être dénoncées. Et tout cela pour un travail pénible et très mal payé. C’est pour cette raison que nous nous sommes mises en grève, avec la ferme volonté d’arriver jusqu’au bout de notre lutte : pour améliorer nos conditions de vie et de salaire, pour sortir de cette condition d’indignité et d’illégalité du travail, où nous tiennent volontairement nos employeurs et leurs clients. »

 

LE RÔLE DE LA CGT

L’interview se passe désormais sur un terrain syndical et d’organisation de la grève. La parole est au responsable de l’union locale CGT du onzième arrondissement, M. Charrier [contact : xavier.charrier ° @ ° yahoo.fr].
« Cette boîte fait essentiellement de la sous-traitance hôtelière. Elle a des contrats avec des hôtels qui ne veulent pas embaucher directement leur personnel de nettoyage. Il faut bien comprendre ce que c’est que la sous-traitance, ce n’est pas de l’intérim, c’est bien pire. Et c’est le cas de la plus grande partie des entreprises de nettoyage. Ces femmes sont employées de Ma Net, mais à ce qu’on peut appeler "temps partiel imposé" (78 heures mensuelles contractuelles). En réalité elles font du temps plein, ou équivalent, mais au lieu d’être payées suivant les heures effectives de travail, elles sont payées à la chambre. On leur calcule en moyenne trois chambres et demie par heure, alors qu’il faut souvent près d’une heure pour faire une seule chambre. On voit bien où est l’escroquerie, et pourquoi les fiches de paye sont souvent de seulement 250-400 euros par mois, alors qu’elles font des journées bien pleines. Ces patrons, ce sont de vrais négriers autorisés. C’est pourquoi la revendication salariale est étroitement liée à celle de l’obtention de papiers en règle.
« Le patron de Ma Net, un zaïrois, nous a intenté un procès pour occupation illégale de locaux d’entreprise. Nous sommes passés fin juin, le 27, au TGI de Paris. Le mercredi suivant un médiateur est venu. Nous avons conclu un protocole d’accord. L’employeur s’est engagé à reconnaître un temps plein aux grévistes, ce qui est nécessaire pour les régularisations, et en échange les grévistes se sont engagés à réduire l’occupation (le nombre des personnes présentes), de telle sorte que les employés de bureau puissent travailler pendant la journée. »
Quant aux perspectives de la grève chez MA NET, il faut les voir dans le cadre général des grèves des travailleurs sans-papiers lancées par la CGT. « Probablement, à la rentrée, les grèves vont se développer en province. Il n’est pas vrai que la CGT ait stoppé la deuxième vague. Il s’agit d’une pause pour réorganiser le mouvement. À présent une vingtaine de sites, mais il y a une quarantaine de sites sur Paris déjà prêts à se mettre en grève.
« Les critères demandés par la CGT aux travailleurs et aux employeurs pour appuyer les régularisations auprès de la préfecture sont et seront les fiches de paye et le contrat de travail. Car la CGT veut la régularisation des sans-papiers qui travaillent, et non de n’importe quel sans-papier, comme c’est le cas des collectifs de la CSP 75, qui occupent la Bourse du travail empêchant comme cela les syndicats de travailler.
« Il faut ajouter, pour conclure, que c’est surtout le mérite du syndicat d’avoir attiré l’attention de l’opinion publique française sur le fait que les sans-papiers ce sont avant tout des travailleurs. C’est bien là la signification des régularisations dans le cadre du travail. »



 
 
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