Fin de l'occupation... Nous sommes maintenant au 14 rue Baudelique dans le 18eme à Paris.
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Occupation de la Bourse du travail

Coordination 75 des sans-papiers (CSP75)

Tous les mercredi et vendredi, une manifestation au départ de la Bourse du travail en direction de la Préfecture de Police est organisée.

Venez soutenir les travailleurs sans-papiers isolés de la Bourse du travail !

Numéro 3
Numéro 3 - MAN BTP, une interview interrompue PDF Imprimer Envoyer
Index de l'article
Numéro 3
Le tournant se confirme
MAN BTP, une interview interrompue
Tract de l'occupation de MAN BTP
Ma Net : elles occupent depuis deux mois. Et elles tiennent bon.
« L'heure est aussi aux collectifs de femmes sans-papiers »
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Depuis le 3 juillet, 120 grévistes se relayent au piquet de grève devant le siège central de la boîte d'intérim MAN BTP, au 5 rue Saint-Vincent de Paul, dans le dixième arrondissement de Paris. C'est donc actuellement la plus importante situation de lutte par des sans-papiers parisiens, après l'occupation de la Bourse du travail.

Les grévistes occupent l'entrée et le trottoir devant le siège. Derrière le comptoir, se tiennent deux vigiles, avec, allongé à leur côté, un véritable dogue, visiblement dressé à avoir une gueule et une humeur de dogue.
« Les conditions de l'occupation sont dures », nous dit un délégué et confirment les autres grévistes tout autour.
« On dispose d'un espace très réduit, moins d'une dizaine de mètres carrés. Et dans cet espace dorment, la nuit, une quinzaine de camarades. Ces deux vigiles, avec leur chien, les patrons les ont mis là en permanence. C'est pour nous empêcher de passer le comptoir et d'aller aux toilettes. Ils ont même coupé le courant à ces deux prises que vous voyez là. En fait,on est obligés d'être presque toujours sur le trottoir, et nous devons nous servir des toilettes des cafés aux alentours, ce qui pose des problèmes surtout la nuit quand les cafés sont fermés. La mairie du dixième nous a promis, il y a une semaine [l'interviewa été réalisée le 14 juillet], des toilettes chimiques. Mais, depuis, on n'a rien vu. »

Le délégué tient à souligner que BTP veut dire : bâtiment travaux publics.
« C'est-à-dire que nous travaillons souvent dans des chantiers de l'État, de la ville de Paris, d'autres organismes publics. Il est évident que notre travail est exploité non seulement par des patrons privés. Tout le monde en profite, tout le monde le sait, et l'administration publique la première. C'est vraiment une énorme hypocrisie, ce qui est organisé autour du travail des sans-papiers, mais c'est encore plus gros avec les entreprises d'intérim.
« Notre revendication de départ était la régularisation de tous les grévistes, et contre le cas par cas. Au début, c'était poursuivre l'exemple des boîtes déjà en grève, de la restauration pa rexemple, et puis même du bâtiment. Le commencement a été autonome, trois ou quatre personnes ayant eu de précédentes expériences de grève. L'idée était de s'adresser à la CGT. Puis, dans une deuxième réunion (c'est à celle-là que j'ai participé) il y avait déjà une majorité d'inscrits à SUD, et c'est pour cette raison que nous avons eu l'appui syndical de SUD, et précisément de SUD - Rail de Bercy.
« Ces inscriptions au syndicat ont été faites dans les tous derniers temps. Voyant les grèves des autres travailleurs sans-papiers s'étendre dans différentes branches, voyant que ça prenait, alors on a discuté entre nous, on a pensé pouvoir faire la même chose dans notre boîte. C'est-à-dire, "notre boîte" - la boîte d'intérim, c'est elle qui nous embauche. »

À ces mots, tous les présents font chorus, et il est clair que derrière cela, derrière ce qui paraît une évidence, quelque chose d'autre se cache, pour ces travailleurs, qui n'a pas le sens commun.

LE PIÈGE DU TRAVAIL INTÉRIMAIRE

Le délégué explique :
« Quand nous avons décidé d'occuper, les patrons [six Français blancs] nous ont dit qu'ils ne pouvaient rien faire pour nous, s'agissant d'une boîte d'intérim, c'est-à-dire une boîte différente des autres, différente des boîtes normales, par exemple les restaurants, etc. Nous avons répondu que ce sont eux nos patrons, nos véritables patrons, et que donc c'était à eux de bouger pour nos régularisations dans le cadre du travail. Sur notre lieu de travail on n'est que des travailleurs sans-papiers isolés, nous ne pouvons pas nous mettre en grève. Sur notre lieu de travail on est souvent un, deux... Quel rapport de force peut-on établir, dans ces conditions ? Par contre, le lieu où nous pouvons le faire, car c'est là où nous pouvons nous grouper, c'est là où nous ne sommes pas isolés, le lieu où nous pouvons monter des piquets de grève pour être efficaces, ce lieu c'est notre boîte d'intérim. C'est là notre véritable patron.
« C'est ce que SUD a très bien compris. Et c'est donc dans ce but, pour monter un piquet de grève et occuper MAN BTP, que ce syndicat nous a donné son accord et son appui.
« Mais le plus absurde c'est ce que nous demande la préfecture. Ils font comme si notre situation d'emploi réelle n'existait pas, et ils continuent d'ignorer là-dessus nos justes revendications. La préfecture nous demande que ce soit le donneur d'ordre... "Donneur d'ordre", c'est comme cela que s'appelle, dans le langage de la préfecture, le patron de l'entreprise de bâtiment pour qui nous travaillons, mais par qui nous ne sommes pas embauchés, car elle loue, justement, notre travail à la boîte d'intérim, à MAN BTP.
« Bon, d'après la préfecture, ce donneur d'ordre, c'est lui qui doit demander à la boîte d'intérim de nous faire, en son nom,une promesse d'embauche d'un an à produire pour notre régularisation. Et il faut, en plus, que nous ayons travaillé, pour ce donneur d'ordre, depuis au moins un an déjà, voilà ce qui nous demande la préfecture. Mais il très rare, du fait même de l'organisation du travail dans le secteur du bâtiment, que quelqu'un de nous travaille pour le même donneur d'ordre plus de six mois. Je vous le demande : peut-on imaginer quelque chose de plus loin, de plus étranger aux conditions de travail des sans-papiers dans le secteur du bâtiment, que ce que nous demande la préfecture ? Et puis, est-ce que la loi n'existe donc plus ? Est-ce que la loi ne prévoit donc pas qu'après un temps de travail dans la même entreprise comme nous le demande la préfecture, le travailleur intérimaire soit directement embauché par cette entreprise ? Car, ce qu'il faut ajouter c'est que, d'après la loi, ce temps est de six mois. »

De nouveau, les présents manifestent unanimement leur approbation. Et une voix commente que, s'agissant du travail des sans-papiers, il est clair qu'aujourd'hui en France il y a plein de gens au-dessus des lois.

« Ce que nous demandons d'abord, c'est donc le dépassement de cet écueil du "donneur d'ordre". Notre lutte, c'est pour avoir des papiers, ce n'est pas pour des revendications salariales.»
Néanmoins, tout cela est en fait lié.

LE SALAIRE

« Le salaire il est en principe équivalent au Smic. Ou à peu près. Et le temps de travail hebdomadaire est en principe respecté : 35 ou 39 heures, selon les entreprises. Nos doléancesne concernent pas en général le montant du salaire, mais, d'un côté, le manque de papiers, et de l'autre les conditions de travail sur les chantiers, qui dépendent du bon vouloir des entreprises où nous travaillons. Les sans-papiers sont sujets aux pressions des entreprises et les boulots les plus pénibles sont pour eux. C'est le plus souvent pratiquement impossible de refuser. La boîte d'intérim, après deux, trois refus, elle te vire.
« Nous pensons, car nous connaissons désormais nos camarades de travail, que la majorité des travailleurs chez MAN BTP sont des sans-papiers. Pourquoi ? C'est simple. Cela est dû au fait que le travail que nous faisons est dur, même très dur. Des travailleurs avec papiers n'accepteraient pas d'être payés au Smic, pour ce genre de travail, ils prétendraient des salaires bien plus élevés. Et nous aussi, ce serait pareil, si nous avions des papiers. »

De nouveau, de fortes approbations alentour. Il est évident que pour tous ces ouvriers du bâtiment, des papiers en règle signifieraient aussi de meilleures conditions de travail et de salaire. On voit donc par là qu'en épousant cette lutte des travailleurs immigrés sans-papiers, isolés ou non, les syndicats ne sont pas en dehors de leur terrain spécifique et bien traditionnel de défense des conditions de vie (de travail et de salaire) des travailleurs qui demandent de s'organiser. Pour le syndicalisme français aussi, cela peut être une chance à ne pas manquer.

ORGANISATION ET PERSPECTIVES DE LA LUTTE

Dans le planning de notre interview, il ne reste plus qu'à parler de ce dernier point. Interrogé, le délégué poursuit :
« Nous sommes jusque-là satisfaits de l'appui de SUD. Ils respectent nos décisions, que nous prenons de manière autonome pendant nos assemblées auxquelles participent tous les grévistes. Nous sommes quatre délégués et nous nous réunissons pour faire des propositions à soumettre à l'assemblée. Nous sommes aussi chargés des contacts avec les patrons, et puis aussi avec les syndicats.
« Pour la poursuite et les perspectives de la lutte... »

Mais arrive un autre délégué. Ayant constaté que l'interviewer est là au nom du Journal de la Bourse du travail occupée, il se lance à haute voix dans une attaque en règle contre les délégués de cette occupation. Ceux-ci n'en feraient qu'à leur tête, sans écouter jamais personne, ils ne décideraient que « tout seuls » ; ce serait des irresponsables qui « portent les sans-papiers droit dans un mur ». Questionné sur les raisons de telles affirmations, prié de bien vouloir s'expliquer, il réitère son attaque et renchérit sur lui-même, d'une voix de plus en plus forte. Les délégués de « là-bas » n'auraient déposé aucun dossier et n'en déposeront jamais, puisque l'occupation de la Bourse est destinée à l'échec. « Nous, nous n'avons rien à faire avec eux ! »

Après de tels propos, le délégué qui s'était prêté à l'interview s'excuse, ne veut plus continuer. Car « il n'y a qu'un seul porte-parole » des grévistes. Et les autres grévistes, qui se tenaient autour intervenant de temps à autres pour apporter des précisions ou pour marquer leur approbation, font de même. Et ils nous tournent même le dos comme un seul homme. D'une telle manière, si inattendue, se termine donc cette interview, qui avait commencé et continué jusque-là dans un climat de grande confiance et de respect réciproque.
Le surlendemain, on apprend à l'occupation de la Bourse que trois grévistes de MAN BTP ont été arrêtés la veille dans la rue. Une délégation de quatre personnes est formée, dont deux délégués, et se rend à la boîte d'intérim pour s'enquérir de leur sort et aussi pour avoir des explications sur les accusations de l'avant-veille. Les trois arrêtés ont déjà été transférés au dépôt de Cité, paraît-il, où ils seraient en attente de passer au tribunal (35 bis). Le délégué apparemment porte-parole des grévistes aussi est là. Les deux délégués des sans-papiers de la Bourse l'approchent, le questionnent au sujet des accusations portées par lui. Mais il tourne autour du pot, sans aborder le problème, sans donner d'explication.

Maintenant, n'est-il pas normal de se poser cette question : est-ce qu'il y a une logique dans tout cela ? Si oui, il nous est difficile de trouver une réponse qui ne soit pas la suivante. L'occupation de la Bourse du travail dérange, et dérange même beaucoup, elle est devenue un centre d'attraction pour nombre de sans-papiers de Paris. Ce qu'il ne faut surtout pas, c'est qu'ils y portent leurs dossiers. Ce qu'il faut donc, avant tout, c'est en dire du mal, et en dire pis que pendre. Cela, est d'autant plus regrettable que, dans le cas spécifique, comme l'a dit très justement le délégué interviewé, les sans-papiers de MAN BTP ne sont, sur leur lieu de travail, que des « travailleurs sans-papiers isolés », et que cette condition les rapproche, plus que d'autres et au-delà même des spécificités du travail intérimaire, des travailleurs sans-papiers isolés qui continuent d'occuper laBourse du travail.
Et cela est d'autant plus regrettable que l'heure, en général, du fait même de l'élargissement des luttes, est plus que jamais au renforcement par l'unité du mouvement. D'autant plus regrettable que les délégués les plus connus de l'occupation de la Bourse continuent de faire preuve d'une ferme volonté et de lancer d'inlassables appels dans ce sens.

Épilogue : finalement, une délégation de MAN BTP s'est rendue, aujourd'hui, 21 juillet, à la Bourse du travail, et a rencontré Djibril et Sissoko de la CSP 75, exprimant le souhait que toutes les situations de luttes puissent converger. La rencontre s'est très bien passée et l'échange a été constructif, avec l'engagement de travailler ensemble et avec tous les autres sans-papiers.

Des représentants des deux occupations, de la Bourse du travail et de MAN BTP, participeront à la réunion unitaire qui se tiendra, à l'initiative du Quotidien des Sans-Papiers, samedi 26 juillet, de 15 heures à 19 heures, à la Maison des Associations du 18ème arrondissement, 15 passage Ramey, métro : Jules Joffrin ou Marcadet-Poissonniers ; bus 60, 31, 85 et Montmartrobus.



 
 
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