Fin de l'occupation... Nous sommes maintenant au 14 rue Baudelique dans le 18eme à Paris.
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Occupation de la Bourse du travail

Coordination 75 des sans-papiers (CSP75)

Tous les mercredi et vendredi, une manifestation au départ de la Bourse du travail en direction de la Préfecture de Police est organisée.

Venez soutenir les travailleurs sans-papiers isolés de la Bourse du travail !

Numéro 7 PDF Imprimer Envoyer
Index de l'article
Numéro 7
La question syndicale
Y en a marre du colonialisme syndical !
Régularisations CGT à Paris : des chiffres bien maigres !
Courant syndicaliste révolutionnaire : amplifions les premières victoires syndicales des sans-papiers
Documents : Attaques et ripostes
Un communiqué plus un appel non paru
Question de méthode : Un poids, deux mesures
Toutes les pages

Journal de la Bourse du travail occupée

numéro 7, lundi 10 novembre 2008

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Presque six mois sont passés depuis le lancement de la première « vague » de grèves de travailleurs sans-papiers par les syndicats et notamment par la CGT. Une demi-année écoulée, les vicissitudes de la première et de la deuxième vague, puis de la troisième, la fameuse « déferlante » restée jusque-là dans les songes de quelques-uns, mais surtout l'occupation de la Bourse du travail parisienne par des travailleurs sans-papiers isolés (qui, fût-elle sans issue, aura toujours eu le mérite de faire ressortir les contradictions de fond de ce mouvement), tout cela a assez révélé les limites d'une telle « action syndicale » conçue, concertée et voulue dans toutes ses phases, par les hiérarchies confédérales tout au moins, comme un remous de vaguelettes médiatiques de surface.

Six mois après, n'est-il pas temps, pour tous les travailleurs immigrés sans-papiers, et plus particulièrement pour les sans-papiers isolés et intérimaires, d'aller de l'avant, de dépasser les illusions et crédulités du début, et de se placer résolument sur un terrain différent de celui du « colonialisme syndical » [voir article p. 2] des grandes centrales syndicales ?

Pour qui aurait encore des doutes, ils seront levés par la lecture de ce qui s'est récemment passé entre la CGT et la coordination 75 [voir les documents publiés p. 5 et 6], et par celle des déclarations de Francine Blanche, secrétaire confédérale CGT et responsable du « collectif de coordination de la lutte des salariés sans-papiers en Île de France » [voir le document interne de la CGT confédérale publié dans le numéro 26 du Quotidien des sans-papiers], qu'ont rapportées les agences de presse lors de l'occupation du restaurant parisien « La Tour d'Argent », le 17 septembre : « On [la CGT] veut arriver à une application apaisée et harmonisée de la circulaire [ministérielle] du 7 janvier. » (AFP) « Puisqu'il y a maintenant des textes votés et des circulaires, il faut arriver à une application apaisée et harmonieuse de ces dispositions pour régulariser les travailleurs sans-papiers. » (Reuters)

Il n'y a là rien de plus, rien de moins, qu'une adhésion pure et simple au critère du cas par cas dans le cadre de l'« immigration choisie », cette continuation de la politique néo-colonialiste de la France sur son propre territoire, votée et mise en forme par les circulaires du gouvernement Sarkozy et de son ministre Hortefeux. Est-ce que toute la CGT, à l'exemple d'une partie au moins de sa direction départementale de Paris, serait désormais acquise à ces positions de sa direction confédérale ?

Les collectifs de sans-papiers parisiens de la coordination 75 ne le croient pas. Et ils appellent toutes les unions départementales et locales de la CGT et les autres syndicats attentifs au sort des travailleurs sans-papiers, tous les syndiqués de base, tous les travailleurs de France, à soutenir et à élargir les luttes et les grèves de tous les sans-papiers pour leur régularisation. Mais, dans le même temps, ils dénoncent avec fermeté les atermoiements, les procrastinations sans fin, les échecs que la situation d'impuissance entretenue dans les syndicats par les centrales syndicales comporte inévitablement pour la satisfaction des justes revendications des travailleurs sans-papiers, isolés ou non.

L'heure serait-elle venue de lancer l'idée d'un syndicat indépendant des travailleurs sans-papiers ?


 

Ayant pensé consacrer ce numéro à la « question syndicale» par rapport aux luttes des travailleurs sans-papiers, le Journal de la Bourse du travail occupée a demandé l'avis de Sissoko, coordinateur de la CSP 75. Ses paroles dressent en quelque sorte un bilan de la question, très révélateur de la façon dont celle-ci a été vécue, et l'est aujourd'hui, par les collectifs de sans-papiers réunis dans la coordination parisienne. Tout naturellement son bilan tend à s'ouvrir sur de nouvelles perspectives d'action.

« Les collectifs de la coordination actuelle ont été depuis Saint-Bernard, depuis douze ans, très impliqués à côté des syndicats, et notamment à côté de la CGT parisienne. Je ne parle pas seulement des luttes des sans-papiers, mais encore plus de celles des travailleurs français. Nous y avons souvent été les seuls présents, en tant que travailleurs sans-papiers, affichés au devant de la scène pour faire voir que la CGT était active aussi parmi les sans-papiers.

« Je n'évoquerai qu'un exemple de notre implication constante, un exemple assez récent et qui concerne la lutte des sans-papiers. Je l'évoque parce qu'il a défrayé la chronique, tout le monde en a entendu parler. C'est la lutte des sans-papiers de Cachan. Elle est devenue le fleuron de certains syndicats et associations, mais c'est la coordination 75 qui a été à son origine, qui a fait le travail d'organisation et a fourni tout au long l'essentiel des forces.

« Il s'est trouvé que des sans-papiers de Cachan inorganisés et n'ayant aucune expérience de lutte sont venus s'inscrire chez nous. Nous leur avons proposé la lutte et ses formes, c'est nous qui avons toujours avancé les propositions, au fur et à mesure, et les possibilités de solutions. Il est à noter qu'à Cachan on a abouti à la régularisation de la plupart des sans-papiers, y compris ceux qui étaient venus chez nous, mais cette lutte n'a pas eu d'autres retombées, en fait de régularisations, pour les sans-papiers de la coordination. »

Finalement le mouvement actuel de grèves a commencé. La coordination 75, comme par le passé, a été présente dans toutes les phases initiales, à partir de l'occupation du restaurant « La Grande Armée » dans le 16ème arrondissement,

au mois de février. Elle a été présente à la mi-avril, lorsque la première « vague » de grèves de travailleurs sans-papiers dans les entreprises a été lancée par la

CGT. Alors, c'est comme par un réflexe que ces travailleurs sans-papiers isolés ont posé cette question : « Et nous ? Nous sommes donc les laissés pour compte, toujours ? »

« Si après tant d'années passées à côté et dans le syndicat… moi-même j'ai la carte de la CGT depuis de nombreuses années, et de même beaucoup de nos adhérents… si après tant d'années, il faut que je dresse un bilan, eh bien, je le dirai très négatif. Nous, on a toujours participé, on a fait tant d'efforts, dépensé

tant d'énergies, mais au bout du compte, qu'est-ce qu'on a ? On n'a rien. Y en a marre de ce colonialisme syndical !

« Après ce qui s'est passé au mois d'avril [sur les circonstances qui ont porté à l'occupation de la Bourse du travail le 2 mai dernier, voir le numéro 1 du Journal], les sans-papiers de la coordination 75 se sentent comme s'ils avaient été sans cesse exploités, et sans jamais rien en retour. Ici en France, aujourd'hui, et cela par le syndicat, par ceux que nous croyions nos amis, c'est comme en Afrique au temps du colonialisme, c'est comme ce que nous ont raconté nos parents. »

 

VERS UN SYNDICAT DE SANS-PAPIERS ?

 

Sissoko a toutefois une conscience pratique des forces présentes sur le terrain : celui de la lutte qui l'intéresse, la régularisation des sans-papiers. Et non seulement des sans-papiers de la coordination 75. Son regard voit plus loin, dans une optique plus large, celle de la région parisienne pour commencer, et, en perspective, de toute la France. Aussi il est conscient du rôle que malgré

tout peut et devrait jouer l'organisation syndicale. « La leçon de notre expérience est que les sans-papiers doivent se poser aujourd'hui une question nouvelle. Est-ce qu'ils doivent continuer comme ça, dans cette dépendance des syndicats ? Ou bien est-ce qu'ils doivent s'organiser d'eux-mêmes, apprendre à être autonomes, même du point de vue syndical ? Voilà pour la question. Mais, pour la réponse, je ne l'ai pas encore bien mûrie. C'est peut-être que je continue à avoir un espoir.

Désormais peu ou pas justifié, me font remarquer certains de mes camarades. L'espoir que nos anciens amis cégétistes comprennent leur erreur, qu'ils modifient leur conduite envers nous. Mais si ce n'est pas le cas, s'ils continuent dans la même voie, alors le moment serait vraiment venu de penser à la possibilité d'un courant syndical ou d'un syndicat de sans-papiers. Cette réflexion est en cours parmi nous, et même avec d'autres à l'extérieur de la coordination. L'idée pourrait s'accélérer, commencer à prendre corps. Il y en a qui ont évoqué les élections professionnelles, les prud'homales. Pour commencer, nous pourrions lancer un appel à tous les anciens sans-papiers, à tous les sans-papiers de France : abstenez-vous ! Ou bien : votez pour un autre syndicat, votez pour SUD, pour la CNT ! … Cet appel serait beaucoup plus fort s'il était doublé ou anticipé par un appel à la constitution d'un syndicat de sans-papiers. »


 

On n'aura, surtout à Paris, que trop entendu battre le tambour des régularisations de sans-papiers via la CGT. Maintenant, un document interne (« compte rendu » de la « rencontre en préfecture du 26 septembre 2008 », daté du 29 septembre) fait le point concernant la capitale. Ce document est consultable depuis le 1er octobre sur pajol, mis en ligne par « rascas », groupe cégétiste oppositionnel. Ce texte très détaillé (il s'agit d'un document de travail pour les négociations à venir, site par site) n'a pas sa place ici. Nous n'en rapportons que la première phrase que voici : « Bilan des dossiers : - 787 dossiers traités par la préfecture du 75 - 380 convocations ont été éditées - 242 régularisations + 6 en attente de l'avis de la Ddtefp + 17 à venir = 265. »

C'est-à-dire que huit mois de grèves à Paris (à partir de la grève plus occupation du restaurant « La Grande Armée », en février) auront été le coup classique de la « montagne qui accouche d'une souris ». 242 régularisations réalisées jusque-là, une par jour en moyenne ! C'est-à-dire que les sans-papiers sont prévenus : avec la méthode CGT étendue à leur nombre « officiel » pour toute la France (400 000), et avec les régularisations parisiennes représentant par hypothèse la moitié des régularisations cégétistes effectives (ce qui semble une hypothèse non invraisemblable), il faudrait

près de six siècles pour qu'ils soient régularisés. Représenteraient-elles par hypothèse le quart, il faudrait alors près de trois siècles. C'est-à-dire qu'en tout état de cause, avec la méthode CGT, il faudrait que pour les sans-papiers de France le temps, l'histoire s'arrêtent.

Mais ces grands résultats de la campagne-fiction lancée au son du tambour médiatique par la CGT afin de ratisser des voix de travailleurs (sans-papiers ou français ouverts à leurs revendications) aux prochaines élections professionnelles et prud'hommales, ces résultats ne font apparaître que la pointe de l'iceberg. Le gros, la partie cachée sous les eaux, ce sont les licenciements préventifs par des patrons craignant d'être touchés par

la grève, licenciements inchiffrables mais nombreux, réels mais dont personne ne parle parce qu'anti-fiction médiatique. Et puis ce sont les dizaines de milliers de sans-papiers la peur au ventre, une peur redoublée par la soumission accrue au chantage du licenciement et de la dénonciation.

 

Du texte apparu sur pajol, nous nous bornons à publier ci-dessous le commentaire de « rascas ».

« Les chiffres parisiens : 242 régularisations !... Les vrais chiffres.

« LAMENTABLE : ce grand mouvement qu'attendaient tant les sans-papiers, que nous attendions tous... Le rendez-vous raté...

« Les milliers de sans-papiers qui auraient pu être régularisés, si la volonté de les voir régularisés avait été le moteur de cette lutte, et non des calculs politiciens, des petits arrangements entre certains dirigeants de la CGT et le gouvernement via Hortefeux (quels bénéfices pour la CGT ou pour les négociateurs de la CGT ?)…

« Enfin, voilà : depuis le 15 avril, toutes ces belles luttes : 242 régularisations sur Paris... Ces chiffres qu'on nous cache depuis des mois, et tous les mensonges… (On nous a parlé de 800, de 900, de plus de mille... Et c'était déjà trop peu !)

« Tous les sans-papiers qui ont été laissés sur le bord du chemin (sans oublier ceux de la Bourse occupée que la CGT de Paris vient officiellement de lâcher) sauront, je le souhaite, demander des comptes et se souvenir du rôle de la CGT, transformée en supplétive du pouvoir... Au service du patronat...

« Françoise

« Et on a envie de reposer la question à la responsable de l'UD de Paris en matière d'immigration, Mme Aithamed, qui, la main sur le coeur, et la voix vibrante d'émotion (enfin elle pouvait parler en public !!) appelait tous les sans-papiers à rejoindre la CGT pour la grève générale des sans-papiers (manifestation du 23 août devant Saint-Bernard) : où en est-on de cette grève générale ? Répondre en nous parlant de la Bourse du travail occupée est un procédé dilatoire et personne n'est dupe... »

 


 

Ce courant syndicaliste (CSR) a un site Internet, où il dit être présent « principalement au sein de la CGT mais aussi dans Solidaires (SUD), la CNT et la CGT-FO », et où il se présente

ainsi : « Notre organisation est principalement active dans les Unions Locales CGT et dans la jeunesse. Nous avons donc une forte proportion de camarades et de sympathisants précaires (intérimaires, CDD, emplois précaires du public). Nous arrivons d'autant mieux à organiser les jeunes travailleurs que nous défendons la création de syndicats d'industrie qui permettent de syndiquer les précaires et les travailleurs des petites entreprises. »

Ces syndicalistes majoritairement cégétistes ajoutent être « influents malgré [des] effectifs limités ». Pourquoi ? Parce qu'ils disposent « d' une véritable stratégie révolutionnaire reliée à une activité réelle de terrain », et qu'en même temps ils assurent

« la formation des syndiqués dans les confédérations où [leurs] militants ont des responsabilités dans ce domaine ». Parce qu'en cette activité de terrain et de formation ils prônent le principe qu'« il est indispensable de préparer les conditions d'une grève générale », et qu'ils y développent une « perspective révolutionnaire qui consiste à mettre en avant le syndicat comme le futur organe de gestion socialiste ».

Mais pas de n'importe quel syndicat, d'un syndicat par exemple à « créer de toutes pièces », c'est bien de la CGT qu'il s'agit. De la CGT et d'elle seule. Tant il est vrai que le CSR dresse le constat irrévocable de « l'échec de la CNT et de SUD ».

Puisque, « dans notre pays, le syndicalisme révolutionnaire est attaché à la CGT ». Une CGT, donc, où « la bataille interne ne peut être abandonnée » ; une CGT qu'il s'agirait donc de reconvertir, en faisant faire marche arrière à la roue de l'histoire et demi-tour à la CGT, pour la faire revenir à ses origines anarcho-syndicalistes (syndicalistes révolutionnaires) d'il y a plus d'un siècle, avant qu'elle ne devienne majoritairement socialiste, puis communiste.

Ce courant syndicaliste a publié sur son site, le 14 septembre dernier, un article sur le mouvement de grèves de sans-papiers que nous publions en entier, parce qu'il est intéressant à divers titres. Sans sous-estimer l'élément positif implicite dans leur expérience de lutte syndicale, si elle est telle qu'elle apparaît de leurs mots et de leur remarques, nous nous bornons ici à souligner l'élément négatif de leur texte, élément qui découle d'un choix de camp aprioriste. Ces nostalgiques d'une CGT qui n'est plus que l'ombre de ce qu'elle était ne semblent voir de salut qu'à « l'intérieur », dans « la

bataille interne » à la CGT. Tout ce qui a l'air de s'y opposer de « l'extérieur » est donc, à leurs yeux, par nature malvenu et ennemi. On ne peut expliquer autrement ce texte dont

on ne trouve d'équivalent, en fait d'apologie du camp choisi (« un vrai succès », « l'action de la CGT a fait basculer le combat » vers le domaine véritable « de la lutte des classes »,

etc.) et de dénigrement du camp prétendument adverse (camp « manipulé par les autorités » et « influencé par l'extrême gauche », etc.), pas même dans les déclarations les plus démagogiques de la direction confédérale.

Ce qu'ils disent des travailleurs sans-papiers isolés montre clairement que, ou bien ils sont d'une mauvaise foi insigne, ou bien ils en parlent comme un aveugle des couleurs. Il

est vraisemblable qu'il ne s'agisse que de la seconde alternative. Aussi nous offrons à nos lecteurs leur texte comme un exemple paradigmatique de ce à quoi peut amener un jugement aprioriste, non fondé sur la connaissance du réel.

En même temps, comme ces syndicalistes se disent « révolutionnaires » et qu'ils conviendront donc facilement que « seule la vérité est révolutionnaire », nous les invitons à venir toucher du doigt, à venir à la Bourse du travail se confronter aux travailleurs sans-papiers isolés qui l'occupent.

Depuis le 15 avril, des milliers de travailleurs sans-papiers sont entrés en lutte. Cette mobilisation est un coup important porté à la bourgeoisie française mais aussi à la politique de l'Union Européenne. Car la grève menée par la CGT française remet en cause la politique d'immigration du patronat européen.

Le 15 avril la CGT de la région parisienne a lancé, de façon coordonnée, une grève

dans 20 entreprises : du nettoyage, du bâtiment, de la restauration, de ramassage

d'ordures, de jardinage, des usines agro-alimentaires, des agences d'intérim… Cette

mobilisation avait été préparée de longue date.

Depuis deux ans, plusieurs unions locales CGT avaient organisé des grèves avec des travailleurs sans-papiers. Ceux-ci demandaient leur régularisation. Suite à ces mobilisations victorieuses, des centaines de travailleurs, souvent issus d'Afrique

Noire, avaient contacté la CGT . En 2007, le gouvernement français publie une circulaire

qui oblige les patrons à vérifier auprès de la préfecture la validité des papiers de leurs salariés immigrés. Suite à cette procédure, des milliers de travailleurs vont être licenciés et d'autres plus nombreux encore sont menacés. La grève va donc être une réponse collective à cette politique.

Le 15 avril, 20 entreprises sont donc occupées. Les grévistes sont soutenus par leurs

camarades licenciés mais aussi par des salariés sans-papiers isolés d'autres entreprises. Cette mobilisation est possible car les Unions Locales de la CGT ont mobilisé leurs militants au niveau local. Immédiatement les occupations s'accompagnent d'activités de solidarité et de la popularisation de la lutte. L'objectif de la CGT est de montrer par la

grève que de nombreuses entreprises françaises fonctionnent grâce à de la main d'oeuvre sans-papiers. Sans ces travailleurs l'économie du pays serait désorganisée.

Cette tactique permet de combattre la bourgeoisie sur le terrain économique. Mais elle permet aussi de montrer à l'ensemble des salariés et à la population française que les sans-papiers ne sont pas des « profiteurs » , des « parasites » qui viendraient en France piller la protection sociale.

Au contraire, cette grève permet de souligner que beaucoup de travailleurs sans-papiers

paient leurs cotisations sociales et des impôts (sur le revenu et la TVA ). Cette tactique remporte immédiatement un vrai succès. De récents sondages démontrent qu'une large majorité de la population soutient cette grève et demande la régularisation de ces travailleurs. L'action de la CGT a fait basculer le combat du domaine humaniste vers celui de la lutte des classes.

 

LES FAIBLESSES DU MOUVEMENT

 

Le gouvernement a dû rapidement réagir. Il a essayé de diviser le mouvement par

plusieurs moyens. Il a tout d'abord tenté de n'engager des procédures de régularisation

que de manière individuelle. Lorsque 20 travailleurs étaient en grève, seulement une dizaine recevaient un récépissé. Sur tous les sites en lutte, la CGT a décidé de maintenir la grève jusqu'à ce que tous les travailleurs bénéficient d'une procédure de régularisation. Les préfectures de la région parisienne, dans chaque département,

ont également essayé de diviser les sites en grève afin d'isoler les grévistes et de gagner du temps pour les décourager.

Le 20 mai, la CGT choisit alors de lancer une seconde vague de grève avec 30 nouvelles entreprises ciblées. Depuis le 15 avril, ce sont des milliers de travailleurs sans-papiers qui ont contacté la CGT afin de participer au mouvement. De sections syndicales se constituent et apparaissent publiquement dès le lancement de la grève. En juin un meeting de masse est organisé à Paris avec plus de 1500 travailleurs sans-papiers alors que beaucoup de leurs camarades occupent les entreprises en même temps. L'objectif est de populariser le mouvement mais aussi de maintenir les sections syndicales et les isolés unis.

Le gouvernement a également tenté de dresser les anciens collectifs de sans-papiers contre la CGT , en faisant croire que c'était la CGT qui décidait des régularisations. Ces

collectifs, souvent influencés par l'extrême gauche, ont été manipulés par les autorités

et n'ont rien trouvé de mieux que d'aller occuper la Bourse du travail de Paris afin de

faire pression sur la CGT .

Les responsables de l'organisation syndicale ont été parfois maladroits sur ce dossier

mais il est très difficile de structurer 50 grèves avec occupation, en permanence et cela

pendant plus de deux mois. Il était donc très difficile pour les organisations CGT de

structurer en parallèle la mobilisation de milliers de travailleurs isolés dans de petites

entreprises sans présence syndicale. Le choix de la grève par vague répondait donc

à la réalité du terrain.

D'ailleurs la mobilisation des travailleurs isolés a commencé avec des actions menées

par les travailleuses salariées dans le secteur de l'aide à la personne : elles s'occupent des personnes âgées et des enfants. La direction de la CGT auraient dû contacter rapidement tous les collectifs de sans-papiers, même si ces derniers sont souvent sectaires et hostiles les uns par rapport aux autres. Le travail unitaire n'a donc pas été systématique mais il avance dans le bon sens.

 

RENFORCER LE SYNDICALISME DE CLASSE

 

Mais la lutte syndicale marque aussi une rupture avec les précédentes mobilisations. Depuis des années la lutte des travailleurs immigrés passe par des collectifs isolés, divisés, soutenus par certains syndicats et associations mais sous une forme paternaliste. Avec cette mobilisation syndicale les travailleurs sans-papiers rejoignent les syndicats et deviennent de vrais acteurs de cette lutte. Ils sont désormais des membres de la CGT qui militent aux côtés des autres travailleurs, aux côtés de leurs camarades avec les mêmes droits que n'importe quel syndiqué. Mais cette mobilisation a également eu des conséquences très positives sur le mouvement syndical. Elle a démontré l'importance des Unions Locales afin de syndiquer les travailleurs précaires et des petites entreprises. Les autres organisations syndicales n'ont pas été en capacité de fournir les

mêmes outils de lutte. SUD et la CNT ont soutenu quelques grèves mais leur faible

structuration interprofessionnelle ne leur permettait pas d'organiser les travailleurs

sans-papiers.

Cette mobilisation a surtout été impulsée par des militants de classe. Lorsque la

direction nationale de la CGT a tenté de freiner la mobilisation, la majorité des UL

et UD ont au contraire appelé à organiser l'extension du mouvement. Cela a démontré

qu'il est possible de faire basculer la CGT lorsque les structures interprofessionnelles

se battent dans ce sens, lorsque les militants font respecter le fédéralisme présent

dans les statuts confédéraux. Des militants des syndicats « alternatifs » (SUD et CNT ) ainsi que de nombreux jeunes ont été impressionnés par la mobilisation de la CGT . Cela est un facteur important pour rapprocher tous les syndicalistes de classe dans la perspective d'une CGT réunifiée.

Les militants du CSR ont été très actifs dans cette mobilisation. Depuis des années nous appelions les syndicats et les UL à organiser les travailleurs immigrés.

Aujourd'hui notre stratégie se trouve donc crédibilisée. Mais nous continuons de

mener le débat afin de reconstruire des syndicats d'industrie là où ils n'existent

plus. Beaucoup de syndicats CGT sont des syndicats d'entreprise. Nos militants poussent

afin que ces syndicats fusionnent, ce qui permet ensuite de regrouper tous les travailleurs d'une même industrie : salariés des petites entreprises, précaires, jeunes en

formation, retraités, intérimaires mais aussi les travailleurs sans-papiers. Dans plusieurs villes de tels syndicats d'industrie nous ont permis d'organiser directement les travailleurs sans-papiers avec leurs camarades titulaires.

 

LES PERSPECTIVES

Suite à la mobilisation en région parisienne, des milliers de travailleurs sans-papiers

ont contacté la CGT en province. Des luttes s'organisent avec manifestations, des collectifs CGT et des commissions immigration se réorganisent dans beaucoup d'Unions Départementales.

Après plus de 3 mois de luttes, les grévistes de la première vague sont pratiquement

tous en cours de régularisation. La grève se maintient dans une vingtaine d'entreprises.

La CGT prépare une troisième vague de grève, élargie à la province afin de renforcer

le rapport de forces. Cette première victoire a en effet donné confiance et elle crédibilise la perspective de généralisation des régularisations à tous les travailleurs sans-papiers.

La CGT a enfin retrouvé ces modes d'organisation et d'action tels qu'ils existaient à l'époque de la Charte d'Amiens [de 1906]. Il faut continuer dans ce sens. Les Comités Syndicalistes Révolutionnaires appellent tous les syndicalistes à rejoindre cette lutte et à renforcer les syndicats d'industrie et les Unions Locales afin de pouvoir organiser les travailleurs sans-papiers.

 


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