Fin de l'occupation... Nous sommes maintenant au 14 rue Baudelique dans le 18eme à Paris.
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Occupation de la Bourse du travail

Coordination 75 des sans-papiers (CSP75)

Tous les mercredi et vendredi, une manifestation au départ de la Bourse du travail en direction de la Préfecture de Police est organisée.

Venez soutenir les travailleurs sans-papiers isolés de la Bourse du travail !

Numéro 6
Numéro 6 - Journal de la Bourse du travail occupée PDF Imprimer Envoyer
Écrit par Administrator   
Mardi, 07 Octobre 2008 17:30
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Numéro 6
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Saint-Bernard des sans-papiers
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Saint-Bernard des sans-papiers

La manifestation pour l’anniversaire de l’expulsion manu militari, le 23 août 1996, des sans-papiers qui occupaient l’église Saint-Bernard dans le quartier de la Goutte d’Or à Paris, a été appelée et organisée unitairement, cette année, par la réunion autonome des collectifs de sans-papiers de Paris et de la région parisienne, indépendamment – à une exception près, celle de la FASTI – et dans le silence de la plupart des associations de soutien.


Le départ, prévu à 14 heures de la place de la République, a eu un prologue à la rue Charlot toute proche une heure avant. C’est là que dès 13 heures ont commencé à affluer, en face de la Bourse du travail occupée depuis quatre mois par des travailleurs sans papiers isolés, quelque 350 personnes, adhérents à la coordination 75 des collectifs de sans-papiers et leurs soutiens à titre individuel.

Un peu après 14 heures ils ont gagné la place de la République pour se joindre aux autres manifestants. Et vers 15 heures un millier de marcheurs partaient à destination de l’église Saint-Bernard.

 

Accompagnés des sonos assourdissantes en tête et au milieu du cortège, leurs rangs se sont étoffés dès le boulevard Magenta. À la hauteur de la Gare du Nord on pouvait déjà les dénombrer à près de deux mille. Leur nombre est allé croissant en parcourant le boulevard Barbès, pour approcher, sur ce même boulevard après Château-Rouge et sur la rue Ordener, les trois mille manifestants. Finalement, c’est à plus de deux mille qu’ils se sont rassemblés dans les rues autour et en face de l’église Saint-Bernard.

 

 

DES CHIFFRES DISCORDANTS

 

Ces chiffres – comptés et recomptés par nous, confrontés avec d’autres comptages de participants – il fallait les rapporter avec quelque minutie parce que des chroniques de journaux en ont rapportés de différents, sensiblement au-dessous.

 

Que penser, par exemple, de l’acuité des yeux de ces reporters (Reuters) qui n’ont vu manifester, « pour marquer le 12e anniversaire de l’évacuation par les forces de l’ordre de l’église Saint-Bernard », que « plusieurs centaines de sans-papiers et leurs soutiens » ? Que penser de l’acuité visuelle de ces autres (Libération) qui, s’ils ont bien fait l’effort d’apercevoir, cette fois, environ la moitié des manifestants (« entre 1000 et 2000 personnes ont défilé de la place de la République jusqu’à la fameuse église »), n’en ont, d’autres fois (par exemple, à la manifestation du 6 août de la coordination 75), aperçu que le quart ? [voir Libération, 6 et 7 août, et le numéro 5 du Journal de la Bourse du travail occupée].
Est-ce excessif de commencer à se poser des questions, à soupçonner quelque chose comme une spécialisation dans les comptages au rabais ? Aucun goût de la polémique de notre part, en disant ceci. Mais c’est qu’il faut comprendre quelle réalité disparaît si bien derrière la différence des chiffres.

 

 

SIGNIFICATION DE LA PARTICIPATION AUX MANIFESTATIONS POUR L’ANNIVERSAIRE DE SAINT-BERNARD

 

Au cours des dernières années, la participation aux manifestations en commémoration de l’expulsion de Saint-Bernard était allée en décroissant, d’année en année, jusqu’à toucher le fond en 2007. Ce fait n’est nullement anodin, au contraire, c’est un thermomètre de la combativité des luttes des sans-papiers.

 

L’année dernière, trois manifestations séparées étaient appelées. L’une à la place de la République par les associations de soutien, les deux autres devant l’église Saint-Bernard même (rassemblement) et à Château-Rouge (marche dans le quartier jusqu’au rassemblement) par différents collectifs de sanspapiers.

La première avait rassemblé environ quatre cents personnes, avec peu de sans-papiers, les deuxième et troisième en avaient rassemblé en tout près du double, en majorité des sans-papiers.

Au total, un peu plus de mille personnes, les trois manifestations confondues.

Si ce sont nos chiffres qui sont bons (et ils sont bons !), la manifestation de cette année marque un tournant par rapport aux années précédentes. Elle prend la température qui monte, elle témoigne du réveil du mouvement des sans-papiers. Si par contre ce sont les chiffres des journaux qui sont bons, c’est le calme plat (Reuters) ou peu s’en faut (Libération).

 

 

QUELS MANIFESTANTS, QUEL MOUVEMENT ?

 

Ces chiffres au rabais ne sont qu’un moyen, et pas le meilleur, de donner des informations objectives sur les luttes des sans-papiers.

Un autre et meilleur moyen est l’information partielle (involontaire ou non, par réflexe conditionné ou calculée), filtrant les faits et n’en retenant que certains, fixant l’attention ailleurs que sur les faits majeurs. Partielle et, de ce fait, partiale, surtout dans le cas de luttes autour lesquelles, autrement, la règle est de baisser le rideau du silence.

 

En l’espèce, est significative l’homogénéité de l’information donnée par Reuters et par Libération. Personne ne leur ferait grief de parler, entre autres choses, des « associations de soutien », du « réseau éducation sans frontières (RESF) », ni, encore moins, des « deux vagues de grèves avec occupation de sites, initiées par la CGT et l’association Droits devant ! (Reuters) ; de parler des « 19 salariés de Veolia à Wissous (Essonne) », des six (de Veolia toujours) du « site de Carrières-sous-Poissy (Yvelines) », de la « bonne vingtaine » de manifestants « rangés derrière une banderole “Urbaine de travaux, Fayat groupe” » de Viry-Châtillon (Essonne), des « 42 intérimaires [de] Perfect-Intérim spécialisée dans le BTP », enfin, des manifestants grévistes « soutenu[s] par Droits devant! [et] la CGT » (Libération).

 

Le fait est que Reuters et Libération ne parlent que de ça, ne semblent avoir vu que la moitié de la queue du cortège, queue où il y avait en tout et pour tout, au plus fort de la manifestation, moins de six cents personnes, un petit cinquième des manifestants. Le fait est qu’ils ne parlent que des associations de soutien, alors que l’aspect le plus visible et criant, sous cet angle, était l’infime présence ou l’absence des associations (Droits devant ! mis à part, avec environ 150 personnes au plus fort de la manifestation, défilant non comme association mais comme collectif de sans-papiers). Le fait est que, sur l’ensemble du cortège, les soutiens, cégétistes y compris, étaient deux petites centaines de personnes, qu’ils étaient largement moins nombreux qu’à l’exiguë manifestation des soutiens de l’année dernière. Le fait est que les manifestants sans-papiers formaient, cette année, la presque totalité du cortège, trois ou quatre fois plus nombreux qu’aux trois manifestations de l’année dernière.

 

Que disent donc ces faits majeurs tus par Libération et par Reuters ? Ils disent que les associations de soutien sont de plus en plus étrangères au mouvement des sans-papiers, absentes de leur mobilisation. Ils disent que ceux-ci, dans la phase actuelle, sont en train de se mobiliser et de chercher (confusément il est vrai) à s’approprier leurs luttes, que leur mouvement actuel va de l’avant et tend, en l’absence des associations, vers des formes autonomes. C’est cette réalité majeure que taisent et détournent le filtrage et la présentation des faits opérés par l’article de Libération et la dépêche de Reuters.

 

 

QUELS TRAVAILLEURS SANS-PAPIERS EN GRÈVE ?

 

Libération ne s’en cache d’ailleurs pas qui écrit en toutes lettres : « Cette question des salariés dépourvus de titre de séjour et en grève pour être régularisés a dominé la traditionnelle manifestation de sans-papiers. »

La question des salariés sans-papiers en grève a dominé la manifestation…

 

À quoi cela rime-t-il, une telle affirmation, alors que les manifestants derrière les banderoles des sites en grève étaient à peu près deux cents ? (Pas plus de 350 si, voulant abonder dans le sens de Libération, les 150 manifestants derrière la banderole de Droits devant ! sont à considérer aussi comme « dominés par la question des salariés sans-papiers en grève »).

Ce fait est significatif : parmi ces deux cents manifestants, Libération en a vu en réalité seulement la moitié, elle ne mentionne même pas (ainsi que Reuters) la bonne centaine de manifestants

qui suivaient la banderole de MAN BTP, le plus important des sites en grève de Paris et de la région parisienne depuis que le mouvement de grèves de sans-papiers a commencé. Ce qui est d’autant plus étrange que l’article s’intéresse en particulier aux conditions des intérimaires et mentionne ceux de Perfect-Intérim (une trentaine de personnes derrière cette banderole) ; d’autant plu étrange que, du point de vue exclusivement visuel, les manifestants de MAN BTP étaient la partie la plus colorée, la plus visible, et de loin, du cortège. Seulement, les quelques dizaines de leurs drapeaux serrées et flottant au vent n’appartenaient visiblement ni à la CGT ni à Droits devant ! ; ils étaient de l’union syndicale Solidaires.

 

 

QUELS TRAVAILLEURS SANS-PAPIERS ?

 

Finalement, quoi d’autre a échappé aux yeux de Libération et de Reuters ? Pas mal de choses… Les noter toutes serait ennuyeux, bornons-nous à signaler cette bizarrerie, cette singulière cécité

concernant la partie du cortège qui l’a vraiment « dominé » (pour employer nous aussi le mot de Libération), ne serait-ce que par la force du nombre.

 

Derrière et autour des deux banderoles de l’occupation de la Bourse du travail, débordant sans cesse en joyeux tumulte sur le trottoir et la moitié de la chaussée interdite par la préfecture,

ont défilé, tout au long du parcours, – tantôt un peu plus, tantôt un peu moins – le tiers de tous les manifestants, pour, sur le boulevard Barbès, offrir, à l’appréciation des éventuels compteurs,

l’aperçu d’un groupe compact de huit, neuf cents personnes.

Nombre modeste, on en conviendra, surtout si comparé aux 19 plus 6 de Veolia par exemple. Donc, près de neuf cents manifestants – et plus que tous autres crieurs – non dignes de mention.

Néanmoins ce n’est pas tout ça. Mine de rien le métier fait que la Bourse du travail est nommée, personne ne pourra dire que les deux articles ne l’ont pas fait. En passant, tout au début, par

Reuters. En passant, tout à la fin, par Libération. Voici : « Partis de la Bourse du travail, occupée depuis plusieurs mois par des sans-papiers, les manifestants ont rejoint l’église du 18e arrondissement… » (Reuters)

 

Quels manifestants, quels sans-papiers ? La suite de la dépêche ne le dit pas, mais de sa lecture découle un non-dit : avant tout, et seules dignes de mention, les « associations de soutien » déjà

citées. (Plus, actualité aoûtienne oblige, « l’association SOS soutien aux sans-papiers »).

« Les régularisations sont aussi très hypothétiques [non seulement pour les intérimaires, mais également] pour les "sans-papiers isolés" travaillant dans des micro-entreprises, souvent faute d’être épaulés par leur patron. Certains occupent depuis début mai la Bourse du travail à Paris pour attirer l’attention des pouvoirs publics sur leur situation. » (Libération). Il n’est même pas dit si ces « certains » étaient présents à la manifestation.

Moralité, il faut appeler un chat un chien et un manifestant travailleur sans-papiers un grévistes CGT (ou Droits devant !), un point c’est tout.

 

 

LA MANIFESTATION TELLE QUELLE

 

Si l’homogénéité de l’information donnée par Libération et par Reuters sur la manifestation pour Saint-Bernard obéit apparemment à une même logique – faire apparaître les luttes actuelles des sans-papiers comme entièrement caractérisées par des grèves partielles dans les entreprises sous la houlette de la CGT –, voyons à quelle logique réelle a obéi la manifestation et quelle en a été la composition véritable.

 

Nous ne reviendrons pas sur ce qui a été déjà dit, par exemple qu’elle a été appelée et organisée unitairement par les collectifs de sans-papiers de Paris et de la région parisienne indépendamment

des associations de soutien et des syndicats.

 

En tête du cortège, une grande banderole conçue comme suit : SAINT-BERNARD 1996 – SANS-PAPIERS 2008 RÉGULARISATION POUR TOUTES ET TOUS !

La liaison entre la lutte de Saint-Bernard en 1996 et les luttes des sans-papiers en cette année 2008 était faite pour établir que (ainsi que le précisaient le tract unitaire distribué avant et pendant la manifestation et le communiqué de presse envoyé aux organes d’information quelques jours auparavant) depuis Saint-Bernard « la lutte continue ». Que cette continuation de la lutte des sans-papiers ne pouvait être, pour être efficace, qu’autonome et unitaire. C’est-à-dire conduite par les collectifs et les situations de grève de sans-papiers eux-mêmes et en faveur de tous les sans-papiers, travailleurs ou non, sans distinction. Ce que soulignait la deuxième partie de la banderole : « Régularisation pour toutes et tous ! »

Cette forte exigence d’unité et à la fois d’autonomie était encore soulignée par la composition des porteurs de la banderole.

 

Tout au long du parcours celle-ci a été portée conjointement par des représentants de la coordination ALIF (dont on connaît les positions contre le mouvement actuel de régularisation par le travail, en tant que sélection discriminatoire envers les sans-papiers non concernés), par des membres de la coordination 75 (dont on connaît les raisons d’occupation de la Bourse du travail, connues en particulier par Libération dont le siège est tout proche), enfin par des grévistes de MAN BTP (qui est à la fois le plus gros site de sans-papiers en grève et un site non cégétiste, fonctionnant sur la base des seules décisions prises, de manière autonome, par l’assemblée des grévistes).

 

Venons donc à la composition de la manifestation à son plus fort. Devant et derrière la banderole de tête, deux bonnes centaines de manifestants. Deux petites centaines derrière les banderoles

de différents collectifs de la coordination ALIF. Et deux petites dizaines de manifestants LCR… Suivaient le gros bloc de la coordination 75, les grévistes de l’Urbaine de travaux, le collectif d’Étampe, MAN BTP… Avec ça, on est presque déjà aux deux tiers du cortège, et il serait fastidieux de dresser la liste de tous les petits groupes du dernier tiers (seuls Droits devant ! et le 9ème collectif mis à part, ce dernier avec une centaine de manifestants derrière sa banderole).

 

 

QUEUE CÉGÉTISTE

 

Devant l’église Saint-Bernard divers orateurs ont pris la parole, le Quotidien des sans-papiers jouant les modérateurs. Des porte-parole tantôt des collectifs, tantôt des grévistes, des syndicats, tantôt de quelques associations comme la FASTI, sans oublier les anciens de Saint-Bernard. Ce n’est pas ici le lieu de rapporter leurs discours. D’ailleurs, pour ce qui concerne les occupants de la Bourse du travail, notre journal a témoigné et témoigne de leurs positions.

 

Une intervention mérite toutefois une mention à part, celle de Sakina, responsable immigration de l’UD-CGT de Paris. À la fin de son discours elle a lancé un appel à la « grève générale des sans-papiers ». Plusieurs fois répété, cet appel a arraché les applaudissements des travailleurs sans-papiers présents, qui l’ont repris en chœur, mais sans y mettre la queue ajoutée par Sakina au dernier lancement : grève générale des sans-papiers… « dans les entreprises ».

À peine descendue du camion qui servait d’estrade, le Journal de la Bourse du travail occupée l’a approchée pour lui demander s’il avait bien entendu ; et si elle était bien consciente qu’ainsi libellé son appel voulait dire l’exclusion des travailleurs isolés, tels que la plupart des sans-papiers qui occupent la Bourse. Sans répondre précisément, Sakina a confirmé que son appel était à la « grève générale dans les entreprises », et que cela signifiait « multiplier les occupations » d’entreprises pour des « régularisations à minima ».

 

Finalement, elle nous a donné son consentement pour une interview croisée à réaliser avec Sissoko, coordinateur de l’occupation de la Bourse du travail, pour un article à approuver ensemble et à publier dans notre Journal. Depuis, tout en l’informant de l’accord de Sissoko, nous avons renouvelé cette invitation à Patrick Picard, responsable de l’UD-CGT de Paris.

Nous restons dans l’attente.




Mis à jour ( Mercredi, 22 Octobre 2008 22:16 )
 
 
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